Plan de l'article :
Rares sont les constructeurs à développer eux-mêmes leur technologie d'hybridation, c'est pourtant le cas de Renault qui prouve encore une fois tout son savoir-faire technique (on ne court pas en F1 sans bagage technique ...).
C'est donc avec ses équipes maison et le dépôt de 150 brevets qu'a pu naître la technologie hybride E-Tech. Une solution qui devait avant tout être économique pour démocratiser l'hybridation chez le losange, cela grâce à l'emploi d'un moteur thermique de conception ancienne, une boîte à seulement 4 rapports, l'absence d'embrayage et de synchros. L'hybridation a permis de dépouiller la boîte à son maximum afin de compenser le surcoût amené par son électrification.
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L'idée générale de l'hybridation E-Tech est de tout concentrer dans une boîte de vitesses électrifiée. D'un point de vu logique, on déduit donc que cette technologie pourrait être installée dans n'importe quel véhicule ! En effet, tout est concentré dans la transmission, qui vient ensuite se coller au moteur au niveau de son arbre de sortie. Potentiellement, Renault pourrait donc "louer" cette technologie à d'autres marques "amies" tel Mercedes ou Nissan (si on peut encore appeler ça des amis ...). Bien évidemment, s'agissant de Renault, on parle ici de boîte pour moteur transversal, n'imaginez donc pas pouvoir mettre la chose dans une Classe C.
Dans les grandes lignes, on a une boîte de vitesses qui intègre deux moteurs électriques qui peuvent envoyer du couple sur les arbres internes, qui mènent donc vers les roues. Le pilotage électronique des passages de rapports couplé aux possibilités offertes par les moteurs électriques a permis d'éliminer l'embrayage et les synchros de vitesses (il y a des crabots à la place, et je vous laisse consulter le fonctionnement d'une boîte de vitesses pour en savoir un peu plus). L'absence d'embrayage implique forcément que le moteur thermique ne sera jamais connecté à un rapport quand le véhicule est à l'arrêt (sinon il cale).
Aperçu des crabots
On a un gros moteur qui permet de propulser l'auto mais aussi de récupérer de l'énergie au freinage et à la décélération. Le deuxième moteur électrique (plus petit) sert principalement à démarrer le moteur comme le font les alterno-démarreurs des voitures dotées d'un stop and start évolué (a un peu disparu avec le temps car trop coûteux). Ce deuxième petit moteur peut aussi participer à la propulsion en aidant le moteur thermique.
Le moteur thermique est lié à 4 rapports (tous les rapports de la boîte) tandis que le gros moteur électrique ne peut en exploiter que 2 (parmi les 4). Notez que la version de 2022 a quant à elle ajouté un 5 ème rapport dans la boîte. Le petit moteur électrique est quant à lui connecté au moteur thermique, on peut donc dire qu'il est lié lui aussi aux 4 rapports. Ce petit moteur ne pourra toutefois jamais entraîner les roues sans que le moteur thermique ne tourne. Il n'est donc pas isolé comme le gros moteur électrique.
Notez enfin que les équipes Renault emploient des éléments de langage qui tendent à communiquer sur le fait que c'est un genre de boîte double embrayage. Ayant une bonne réputation sur l'agrément, on comprend pourquoi ils m'ont parlé d'analogie avec ce gendre de boîte. Si en réalité ce n'est pas tout à fait la même chose, ils veulent surtout appuyer sur le fait qu'il n'y a pas de rupture de charge entre les rapports.
Deux déclinaisons existent ici, une version très légère qui ne permet pas de rouler très longtemps en tout électrique (quasiment rien), et une autre rechargeable permettant cette fois d'y rouler plusieurs dizaines de kilomètres. Les seules différences se situent au niveau du calibrage de la batterie, qui induit donc une puissance plus ou moins élevée des moteurs électriques (la puissance d'un moteur électrique dépend aussi de la batterie contrairement à un thermique).
1.6 Nissan 16V | 1.2 TCE 8V | |
---|---|---|
Sortie | 2019 | 2022 |
Puissance | 91 ch 5600 t/min | 130 ch 4500 t/min |
Couple | 144 Nm 3200 t/min | 205 Nm 1750 t/min |
Cylindrée | 1598 cc | 1199cc |
Cylindres | 4 | 3 |
Suralimentation | Non | Oui |
admission | Atkinson | Atkinson |
injection | Indirecte basse pression (8 injecteurs, 2 par puits) |
Directe haute pression 4 injecteurs |
Le moteur thermique utilisé pour la première déclinaison de l'E-Tech est un 1.6 (1598 cm3) essence de 91/96 ch et 144/148 Nm de couple (varie un petit peu selon les versions, pour peaufiner les émissions pour le cycle WLTP). Ce moteur (dont les spécificités rappellent les vieux moteurs) est d'origine Nissan, tout comme les moteurs électriques. En théorie n'importe quel moteur pourrait être employé, et il semble ici que Renault ait choisi un moteur peu onéreux (et surtout déjà largement amorti) pour limiter le coût de fabrication, et donc rendre les véhicules E-tech compétitifs. Et surtout, ce moteur paresseux suffit puisque les moteurs électriques viennent largement à combler ses carences en couple.
La marque a ensuite décliné son offre vers quelque chose de plus puissant afin d'équiper l'Austral plus haut en gamme, avec un total de 200 ch obtenus par un 1.2 essence 3 cylindres de 130 ch et 205 Nm couplé à un moteur électrique qui peut atteindre 68 ch (et même 102 si on cumule le deuxième petit moteur qui peut aussi agir sur la traction) grâce à la batterie plus grosse (400V au lieu de 240V / 2 kWh contre 1.2 kWh). LE couple du moteur électrique est de 205 nm, exactement la même valeur que sur le moteur thermique. On a donc un cumul de 410 nm qui sont tous exploitables par la boîte (pas de limitation électronique, les 410 nm peuvent passer sans casser la boîte, les crabots aidant ...).
Voici une image officielle de la Clio 5 E-Tech (et en dessous ma représentation plus schématique et détaillée)
La petite version cumule 140 ch avec un moteur thermique de 91 ch, et deux moteurs électriques de 49 et 20 ch (ou encore 145 ch sur le Captur II avec en thermique 96 ch). La batterie est riquiqui avec 1.2 sachant qu'on ne peut exploiter qu'environ 0.7 kWh.
2022 (200 ch)
En 2022 le dispositif a été recalibré à la hausse avec une batterie qui a gagné près de 100% de capacités en plus (désormais 2 kWh), ce qui a permis d'augmenter la puissance des moteurs puisque le voltage est passé de 240 à 400V.
Le moteur thermique est aussi très différent avec un 1.2 de 3 cylindres suralimenté (aussi doté du cycle Atkinson) de 130 ch dont les caractéristiques sont identiques à l'ancien 1.2 TCE 4 cylindres (130 ch et 205 nm lui aussi).
Cette déclinaison apporte aussi un refroidissement actif de la batterie via le circuit froid de la climatisation (pas par de l'air mais directement via le circuit contenant le frigorigène, dans sa partie froide après le détendeur évidemment)
La version plus avancée consiste à installer une batterie plus généreuse, à savoir 9.8 kWh qui peut être rechargée via une prise de type 2 à 3.7 kW maximum (environ 3 heures pour recharger complètement la batterie). Etant plus puissante et constante dans sa manière de délivrer l'électricité les moteurs électriques peuvent alors grimper à 65 et 30 ch.
On a alors un cumul de 160 ch et une autonomie d'environ 50 km (65 en ville selon le WLTP) pour des véhicules de taille moyenne (Captur, Mégane). La vitesse maximale en tout électrique est de 135 km/h.
A lire : essai du Renault Captur hybride rechargeable E-Tech
Voici une vue de la boîte hybride E-Tech. On trouve en bleu les moteurs électriques ainsi que leur arbre respectif. On a ensuite en rouge l'arbre du moteur thermique. Les pignons mis en transparence (gris clair) indiquent qu'ils sont fous, à savoir qu'ils ne sont pas solidaires de l'arbre sur lequel ils sont posés. Tous les autres, en foncé, sont donc non débrayables et liés de manière permanente à leur arbre.
R1, R2, R3 et R4 indiquent les différents rapports (j'ai choisi de les indiquer sur l'arbre de sortie mais j'aurais pu le faire sur celui du dessus, l'arbre primaire). C1 à C5 représentent les crabots, qui permettent de relier un pignon à l'arbre qu'il occupe.
Sur cette vue, on voit donc la transmission E-Tech au point mort (thermique et électrique). L'arbre venant d'ICE (thermique) traverse le gros arbre bleu EV1 en son centre (le gros arbre est donc creux, et ces deux là tournent chacun de manière indépendante, ils ne sont pas liés).
Voici un schéma de Renault sorti plusieurs années après les miens, il semblerait qu'ils aient apprécié cette manière de présenter les choses. J'aurais toutefois apprécié que cela sorte plus tôt car le décryptage de cette technologie m'a été difficile et chronophage ...
Voyons donc de plus près comment fonctionne le dispositif hybride de Renault, en étudiant les différents modes de propulsion possibles (et pas seulement), sachant qu'ils sont au nombre de 16 au total (les combinaisons sont en effet nombreuses, et nous n'allons pas toutes les voir).
Multimode (Combinaisons) |
Rapport électrique utilisé (EV) |
Rapport thermique utilisé (ICE) |
Fonctionnement |
---|---|---|---|
1 | 1 | Eteint | 100% électrique |
2 | 2 | Eteint | 100% électrique |
3 | 1 | Aucun | Recharge batterie (hybride série) |
4 | 2 | Aucun | Recharge batterie (hybride série) |
5 | 1 | 1 | Hybride parallèle |
6 | 1 | 2 | Hybride parallèle |
7 | 1 | 3 | Hybride parallèle |
8 | 2 | 2 | Hybride parallèle |
9 | 2 | 3 | Hybride parallèle |
10 | 2 | 4 | Hybride parallèle |
11 | Eteint | 2 | 100% thermique |
12 | Eteint | 3 | 100% thermique |
13 | Eteint | 2 | 100% thermique |
14 | Eteint | 3 | 100% thermique |
15 | Eteint | Recharge batterie |
Quand on est à l'arrêt, le moteur thermique tourne ou pas selon l'état de la batterie. Sur la petite version à 1.2 kWh on peut estimer qu'il tourne très souvent ... Bien évidemment, le moteur thermique est ici au point mort au niveau de la boîte, sinon l'auto calerait au avancerait.
Les départs (jusqu'à 30 km/h) se font uniquement avec le moteur électrique, ce qui permet donc d'éviter un embrayage (un moteur électrique ne peut pas caler car il n'a pas besoin d'être entraîné et donc d'avoir un régime minimal). Un crabot piloté enclenche donc le premier rapport en solidarisant le pignon sur son arbre (C1 verrouille R1).
Le mode électrique consiste donc à ne faire fonctionner que le moteur électrique EV1 sur deux rapports (les deux seuls qu'il peut exploiter). C'est donc le même schéma que le précédent (avec la possibilité d'être sur l'autre rapport à plus haute vitesse).
Ayant affaire à un moteur électrique qui est en prise sur le premier rapport, il suffit alors de le faire tourner dans le sens inverse pour que l'auto recule. Et donc contrairement à une boîte classique, il n'y a pas besoin d'un rapport dédié qui intercale un autre pignon permettant d'inverser le mouvement.
En mode sport, ou quand on écrase la pédale fortement, le calculateur va alors mettre à disposition toute la puissance possible, à savoir que tous les moteurs vont envoyer du couple vers les roues.
Ici, dans cet exemple, le moteur EV1 est en première et le moteur thermique en seconde (il fallait bien que je choisisse un rapport, ou plutôt plusieurs ! Pas courant d'avoir plusieurs rapports enclenchés en même temps dans une boîte de vitesses ...).
N'oublions pas enfin le petit moteur électrique EV2/HSG qui peut travailler lui aussi en envoyant du couple via les poignons qui le connectent au moteur thermique.
Le moteur EV2/HSG sert à synchroniser les vitesses d'arbres lorsque les rapports doivent être passés, car sans débrayage possible et sans synchros il faut passer les vitesses de manière harmonieuse (dans le cas contraire à-coups et contraintes mécaniques importantes).
C'est EV1 qui est attitré à la tâche. EV2 n'est en effet pas apte à le faire car il fait partie de la chaîne de traction du moteur. Bien entendu, il faut que le rapport soit engagé pour qu'il y ait récupération, dans le cas inverse le moteur électrique n'est pas connecté aux roues.
C'est EV2 qui en a la charge, c'est donc un alterno-démarreur. Car rappelons au passage que l'Alternateur de la voiture est incarné par ce dernier ...
C'est aussi par cette manière de faire (EV1 qui peut faire tourner le moteur thermique) qu'on pourra synchroniser la vitesse du moteur avec celle des arbres, cela afin de pouvoir passer les rapports sans à-coup malgré l'absence d'embrayage.
Voici les rapports disponibles pour le moteur thermique :
Attention, le premier rapport impose de devoir coupler le moteur électrique et d'avancer un peu, car dans le cas contraire le moteur cale
Et les deux attribués au moteur électrique EV1 :
En ce qui concerne les synchros, il n'y en a pas besoin car les rapports sont passés exactement au bon moment (la vitesse des différents arbres à connecter dans la boîte est aussi synchronisée par le biais du petit moteur électrique qui sert d'alterno-démarreur). Les synchros d'une boîte classique servent avant tout pour faciliter le passage des rapports, et donc aider l'humain pour ne pas qu'il fasse craquer la boîte. Sur les anciennes boîtes il n'y avait pas de synchro et il fallait utiliser la technique du double débrayage : en gros, c'était à l'humain de synchroniser les vitesses d'arbre de boîte et moteur ! Et pour cela il donnait un coup de gaz pour faire varier le régime moteur et arriver à celui qui permet de faire encastrer deux engrenages (en tournant à peu près à la même vitesse on pouvait les faire s'engager). Ici le calculateur a la main sur la vitesse de rotation du moteur thermique (en contrôlant son régime) mais aussi sur les deux moteurs électriques, il peut donc à la fois faire tourner les éléments à la même vitesse mais aussi savoir à quel moment exact il faut passer le rapport (pour ne pas que ça craque).
Pour l'embrayage c'est simple, pour ne pas caler il suffit que le moteur soit mis au point mort. Les départs étant assurés par le moteur électrique (qui ne cale pas à l'arrêt), il n'y a donc plus besoin de faire joindre les vitesses de moteur et de boîte par le biais d'un embrayage.
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