Mercedes persiste et signe dans sa stratégie de rupture avec le thermique, et c’est désormais la très exclusive AMG GT 4 portes qui en fait les frais. Une page se tourne mais pas forcément dans le bon sens. Ce qui nous est présenté sous forme de concept (nommé GT XX) n’a plus grand-chose à voir avec l’AMG GT que les amateurs appréciaient. Et ce n’est pas un simple passage à l’électrique, c’est une transformation totale du véhicule, du fond comme de la forme.
Commençons par l’essentiel : l’apparence. L’ancienne AMG GT 4 portes faisait l’unanimité. Elle avait ce mélange d’élégance et d’agressivité bien dosé (avec son look de racaille qui sied parfaitement au titre "Ma Benz Benz Benzé de JoeyStarr), avec des proportions dignes d’un coupé mais sans tomber dans la caricature. Ici, c’est tout l’inverse. On se retrouve avec une berline de 5,20 mètres qui lorgne clairement du côté d’une Classe S version longue, bien plus que d’une concurrente directe de la Porsche Taycan. Le gabarit devient presque déconnecté du segment visé (auriez-vous l'idée de conduire vite avec une Série 7 ?). Et surtout, l’ADN Mercedes semble avoir été évincé.
Le design est là pour impressionner mais pas pour séduire, et surtout on ne dirait pas que l'on a affaire à une Mercedes, ce qui pose quand même un sacré problème ! L’avant évoque un poisson-chat, les feux arrière multipliés donnent une impression de surcharge (ils veulent ressembler à Ferrari ? Bugatti ?), et le bandeau de LED capable d’afficher des messages frôle le ridicule (on y revient plus tard). On est plus proche d’un concept de préparateur indépendant (sans identité propre) que d’une véritable Mercedes. Le résultat est difficile à qualifier autrement que déconcertant. Difficile d’imaginer qu’il s’agisse d’une AMG GT. Et c’est bien là le souci.
Voici une autre itération du concept lors du salon de Lyon 2023
Autre élément pour le moins spectaculaire mais difficile à situer entre l’innovation utile et le gadget pur : la MBUX Fluid Light Paint. Il s’agit d’une peinture extérieure luminescente composée de plusieurs couches électro-conductrices et isolantes, capables d’émettre de la lumière lorsqu’elles sont soumises à une tension alternative. Le résultat est un effet visuel dans l’obscurité avec certaines parties de la carrosserie qui deviennent littéralement fluorescentes. Un procédé qui interroge toutefois : faut-il vraiment que la voiture se transforme en enseigne lumineuse pour susciter l’intérêt ? Ce genre de sophistication esthétique pourrait séduire dans un concept ou sur un coupé futuriste, mais paraît là encore décalé par rapport au positionnement initial d’une AMG GT 4 portes, censée incarner le luxe sportif, pas le tuning de salon high-tech. Mais c'est devenu une spécialité des Allemands, compenser le déficit technologique par des artifices superficiels : calendres qui s'allument, signatures lumineuses personnalisables via l'interface, et maintenant cette carrosserie qui brille ...
Dans la même veine, l’arrière reçoit un bandeau baptisé « MBUX Fluid Light Panel », constitué de plus de 700 LED RGB contrôlables individuellement. L’idée est de pouvoir afficher des textes ou animations en temps réel, comme un logo AMG clignotant ou l’état de la recharge, le tout avec un effet de profondeur 3D censé renforcer le côté futuriste. Là encore, on sent l’envie de Mercedes d’en mettre plein la vue. Mais est-ce vraiment pertinent sur une berline GT censée incarner la sportivité sobre et assumée ? Le résultat fait davantage penser à un écran publicitaire ambulant qu’à une signature lumineuse élégante. À force de vouloir tout transformer en interface de communication, on finit par perdre de vue ce qu’est une voiture : un objet qu’on regarde pour ce qu’il évoque, pas pour ce qu’il projette.
Du bling-bling qui inquiète car encore une fois le but est de compenser.
Ce qui faisait battre le cœur de l’ancienne AMG GT 4 portes, c’était avant tout son V8 biturbo 3.9 litres. Une mécanique vivante, expressive, capable de mêler violence et velouté (même si un peu discret finalement, surtout bourré de catalyseurs et de FAP) et avec une sonorité très identitaire. Aujourd’hui, tout cela disparaît. La future GT sera 100 % électrique, sans la moindre trace de thermique, pas même en hybride. Une bascule brutale, presque dogmatique, et qui aura de quoi faire fuir une partie de la clientèle historique.
À la place, Mercedes sort l’artillerie lourde sur le plan technique. Trois moteurs à flux axial, fournis par le britannique Vasa, animent les quatre roues : un à l’avant et deux à l’arrière. Ces moteurs, plus compacts et légers que les classiques moteurs à flux radial, permettent d’annoncer une puissance cumulée de plus de 1000 kW, soit plus de 1360 ch, et une vitesse de pointe annoncée à 360 km/h. C’est colossal, mais cela reste de la cavalerie virtuelle tant que l’on ne connaît pas le poids réel de l’engin et la tenue de cette puissance dans le temps, surtout en dehors des 80 % de charge que Mercedes exige déjà pour offrir les pleines performances sur ses autres modèles électriques.
Côté batterie, Mercedes inaugure un tout nouveau pack, dont la chimie repose sur une cathode NCMA (Nickel, Cobalt, Manganèse, Aluminium) et une anode enrichie au silicium, à la place du graphite habituel. Résultat, une densité énergétique annoncée à 300 Wh/kg (ou 740 Wh/l en volume), ce qui placerait cette GT parmi les références actuelles. L’architecture utilise des cellules cylindriques plus adaptées aux forts courants, et le refroidissement a été particulièrement soigné. Tout cela vise à maximiser les performances, mais aussi à rendre la recharge ultra rapide.
Et sur ce point, Mercedes frappe très fort (sur le papier). La marque annonce une puissance de recharge maximale de 850 kW, soit théoriquement 400 km récupérés en 5 minutes. Une valeur qui semble venue d’un autre monde, puisque aucune borne disponible aujourd’hui n’est capable de délivrer une telle puissance pour une voiture particulière. La marque dit travailler avec Alpitronic pour créer des stations capables de fournir 1000 A, mais cela reste pour l’instant un vœu pieux.
Quant à l’efficience, Mercedes met en avant un SCx de 0,42, obtenu grâce à un Cx de 0,19 et une surface frontale de 2,24 m². Les jantes forgées de 21 pouces sont équipées de lames mobiles qui s’ouvrent ou se ferment selon les besoins (refroidissement des freins ou optimisation de l’aérodynamisme). Le fond plat, les déflecteurs, la lunette arrière supprimée et remplacée par un carénage : tout a été pensé pour faire de cette GT une championne du rendement. Mais une fois encore, est-ce vraiment ce que recherchent les amateurs d’AMG ? Est-ce ce qu’ils attendent d’une berline de passion ?
La vraie question reste celle-ci : ces promesses techniques suffisent-elles à faire oublier le chant rauque du V8 qui faisait la personnalité de la précédente GT ?
Paradoxalement, l’intérieur de cette AMG GT XX est peut-être l’élément le plus séduisant du concept. L’ambiance est très réussie, avec une vraie originalité, une belle cohérence dans le choix des matériaux et un traitement résolument sportif. Mais une question s’impose rapidement : à qui s’adresse cette voiture ? L’absence de ciel de toit, la structure en carbone apparente, les écrans en suspension, le volant façon F1… tout cela évoque plus une voiture de circuit ou un coupé radical qu’une berline de luxe à quatre places.
Or, l’AMG GT 4 portes n’est pas censée être une supercar déguisée. Elle était jusqu’ici une sorte de CLS survitaminée, un vaisseau amiral sportif, capable d’emmener confortablement quatre adultes sur de longs trajets, avec classe et prestance. Ce nouvel habitacle, aussi esthétique soit-il, n’entre pas vraiment dans cette logique. Il donne l’impression que Mercedes a greffé l’intérieur de la future AMG GT coupé dans une carrosserie trop longue, avec des portes arrière en plus. L’illusion ne prend pas.
Ce qui étonne le plus dans cette démarche, c’est que Mercedes semble refaire exactement les mêmes erreurs qu’avec sa gamme EQ. Des silhouettes qui déplaisent, des choix esthétiques clivants, une volonté de marquer une rupture qui ne convainc personne. L’échec total de l’EQS aurait pu servir d’avertissement. Visiblement, ce n’est pas le cas.
On sent bien que cette nouvelle GT XX n’a pas été pensée pour séduire la base historique des clients AMG, mais plutôt pour montrer ce que la marque sait faire en termes d’innovation. Sauf que cette démonstration, aussi avancée soit-elle techniquement, reste vaine si elle ne débouche sur aucun désir réel. Car une AMG ne se vend pas sur un SCx ou une recharge à 850 kW. Elle se vend sur ce qu’elle évoque, sur l’image qu’elle renvoie. Et ici, il n’en reste pas grand-chose.
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