

Le coût au kWh des batteries de voitures électriques est l’un des chiffres les plus cités, et l’un des plus mal compris. Selon les sources, il peut varier du simple au double sans que personne ne mente vraiment. La raison est simple : tout le monde ne parle pas du même périmètre.
L’objectif de cet article est donc de poser un cadre clair. De quoi parle-t-on exactement quand on évoque le coût d’une batterie ? Que recouvre réellement ce fameux prix au kWh ? Et combien coûte, de façon réaliste, une batterie complète de 50 kWh ou de 90 kWh en 2026.
Ici, on ne parle ni du prix facturé au client final, ni du coût total d’une voiture. On parle du coût industriel de la batterie, vue comme un sous-ensemble technique.
Avant de donner le moindre chiffre, il faut distinguer les niveaux de l'architecture d'une batterie. Sans cette précision, toute comparaison est bancale.

Le rapport publié par Ember constitue une base de travail intéressante car il repose sur des projets réels, issus d’appels d’offres récents en Italie, en Arabie saoudite et en Inde, complétés par des entretiens industriels menés en 2025.
Le stockage stationnaire bénéficie toutefois de contraintes un peu moins importantes que l’automobile : plages de température plus étroites, exigences mécaniques réduites, densité énergétique moins critique et intégration simplifiée. Ces différences expliquent pourquoi les coûts observés dans le stationnaire constituent une base crédible, mais pas une valeur parfaitement transposable aux batteries pour voiture (attention toutefois, l'écart est désormais anecdotique [contrairement à avant] et ça reste donc un repère très solide. Dans le cas inverse je n'aurais pas repris ces données). Je me devais toutefois le préciser pour être le plus rigoureux possible.
Pour des batteries stationnaires longue durée (4 heures ou plus), Ember observe un coût total d’environ 125 $/kWh, hors Chine et États-Unis, avec la décomposition suivante :
Ce chiffre ne concerne pas directement l’automobile, mais il fournit un repère crédible. Il s’appuie sur des volumes industriels réels et sur une chimie (LFP) très proche de celle utilisée dans de nombreuses voitures électriques actuelles.
Deux points sont essentiels pour interpréter correctement les chiffres.
Premièrement, il existe presque toujours une différence entre la capacité installée et la capacité réellement utilisable. En stationnaire comme en automobile, les fabricants surdimensionnent typiquement la capacité brute d’environ 10% (parfois plus) afin de garantir la capacité utile dans le temps. Les coûts sont donc généralement exprimés en kWh utilisables, pas en kWh chimiques bruts.
Deuxièmement, un kWh de cellule n’a rien à voir avec un kWh de pack. Le pack intègre des fonctions mécaniques, thermiques et électroniques indispensables à l’usage automobile, ce qui explique une partie importante de l’écart de coût. Un kWh de cellule ne représente que l’énergie électrochimique brute, alors qu’un kWh de pack inclut toute l’infrastructure nécessaire pour l’exploiter en voiture (structure, refroidissement, électronique, sécurité et marges de capacité), ce qui ajoute de la complexité et explique l’écart de coût.
Sur la base des niveaux observés en 2025 sur les marchés asiatiques et des tendances industrielles, on peut retenir des ordres de grandeur plausibles pour 2026.
Pour les cellules LFP, le coût se situe autour de 40 à 55 $/kWh en sortie d’usine, selon les volumes et les spécifications.
Pour les cellules NMC ou NCA, plus denses énergétiquement et plus riches en métaux critiques, le coût est plutôt compris entre 60 et 85 $/kWh.
Ces chiffres concernent uniquement la cellule brute. Ils n’incluent ni l’assemblage en modules, ni le pack, ni la gestion thermique, ni l’électronique.
ATTENTION : Une part significative du coût d’un pack batterie ne dépend pas directement de la quantité d’énergie stockée, mais d’éléments fixes : boîtier, électronique de puissance, sécurité, refroidissement. Cela explique pourquoi les petites batteries sont proportionnellement plus chères au kWh que les grandes, et pourquoi le coût unitaire baisse avec la capacité totale.
Le pack automobile est plus cher que la cellule, et ce n’est pas un détail. Il doit fonctionner dans des conditions réelles, pas dans un laboratoire.
Une batterie automobile doit notamment :
En pratique, le passage de la cellule au pack complet ajoute généralement 40 à 80 $/kWh, selon la taille de la batterie, l’architecture retenue (pack classique, cell-to-pack, cell-to-body) et le niveau de performance exigé.
Les données de BloombergNEF indiquent un prix moyen mondial des packs lithium-ion autour de 108 $/kWh en 2025, avec une moyenne spécifique aux véhicules électriques proche de 99 $/kWh, et une poursuite de la baisse attendue en 2026.
Pour une batterie automobile complète prête à être installée sur une chaîne d’assemblage, une fourchette cohérente en 2026 est la suivante :
Plus on vise de la puissance élevée, une forte densité énergétique ou de très bonnes performances à froid, plus on se rapproche du haut de la fourchette.
Pour une capacité utile de 50 kWh, les ordres de grandeur sont les suivants.
En technologie LFP, une batterie complète représente environ 4 500 à 6 000 $.
En technologie NMC ou NCA, on est plutôt autour de 5 500 à 7 500 $.
Il faut garder à l’esprit que si la capacité annoncée est brute et non utile, le coût réel par kWh utile augmente mécaniquement.
Pour une batterie de 90 kWh utiles, l’effet sur le coût total est très marqué, même si le coût unitaire peut légèrement baisser grâce aux économies d’échelle.
En LFP, une batterie de 90 kWh représente environ 8 100 à 10 800 $.
En NMC ou NCA, le coût se situe plutôt entre 9 900 et 13 500 $.
C’est l’un des principaux leviers expliquant l’écart de prix entre les véhicules à autonomie moyenne et ceux à très grande autonomie.
Les prix affichés par Tesla pour ses packs en pièces détachées donnent un point de comparaison intéressant, à condition de bien comprendre de quoi il s’agit. Ce ne sont pas des coûts industriels, mais des prix SAV, intégrant marges, logistique et gestion (coût) de stock.
À partir des références pour le Model Y :
Ces niveaux sont cohérents avec une pièce de remplacement facturée après-vente et illustrent l’écart important entre un coût industriel exprimé en $/kWh et un prix final en €/kWh.
Le terme 'batterie solide' recouvre aujourd’hui des technologies très différentes, dont les coûts n’ont rien de comparable. Il est donc indispensable de faire la distinction.
Les batteries tout-solide au sens strict, utilisant un électrolyte entièrement solide, restent en 2026 à un stade pré-industriel. Les volumes sont quasi inexistants, les rendements de fabrication faibles et les procédés encore expérimentaux. Leur coût réel est très élevé, probablement bien au-delà de 300 $/kWh, et potentiellement nettement plus selon la technologie. À cet horizon, elles ne constituent pas une solution exploitable pour la voiture électrique de grande série.
À l’inverse, ce que beaucoup d’acteurs présentent comme des batteries solides sont en réalité des batteries semi-solides ou quasi-solides, qui conservent un électrolyte liquide ou gélifié et restent proches du lithium-ion classique. Ces architectures sont industrialisables, mais encore peu optimisées. En 2026, leur coût reste nettement supérieur à celui des packs NMC classiques, avec des ordres de grandeur généralement situés autour de 160 à 220 $/kWh pour un pack automobile, contre 110 à 150 $/kWh pour une batterie NMC bien industrialisée. On parle donc typiquement d’un surcoût de l’ordre de +30 à +70%, lié aux volumes encore faibles, aux rendements de fabrication inférieurs et à l’usage de matériaux plus coûteux.
Dans les deux cas, le message est clair : en 2026, le solide et le semi-solide ne sont pas des leviers de baisse des coûts, mais des technologies encore chères, souvent survendues, et dont les chiffres annoncés correspondent le plus souvent à des objectifs lointains plutôt qu’à des réalités industrielles.
La forte baisse observée ces dernières années ne signifie pas que le potentiel est épuisé. Au contraire, plusieurs évolutions techniques et industrielles récentes laissent entrevoir de nouvelles réductions de coûts, parfois moins visibles que les grandes annonces technologiques, mais souvent plus efficaces.
L’une des tendances les plus concrètes est l’augmentation continue de la taille des cellules, en particulier dans les formats cylindriques et prismatiques. Des cellules plus grandes permettent de réduire le nombre total d’éléments à assembler pour une même capacité. Moins de cellules signifie moins de soudures, moins de connexions, moins de capteurs et un BMS simplifié.
Combinée aux architectures cell-to-pack et cell-to-body, cette approche réduit la quantité de matériaux passifs (boîtiers, supports, visserie) par kWh. Ce n’est pas une révolution chimique, mais un gain industriel direct, avec un impact réel sur le coût du pack final.
Même si ce mouvement n’est pas nouveau, il s’accélère. Les chimies NMC évoluent vers des formulations de plus en plus pauvres en cobalt, voire quasi sans cobalt. En parallèle, la montée en puissance du LFP et de ses variantes (LMFP, LFP dopé) permet d’utiliser des matériaux abondants et moins chers.
Ce point est crucial : chaque gramme de matériau critique supprimé par kWh produit réduit à la fois le coût direct et l’exposition aux tensions géopolitiques. C’est un levier structurel, pas conjoncturel.
Beaucoup des gains récents viennent d’optimisations industrielles invisibles pour le grand public. On peut citer :
Chaque point de rendement gagné sur une ligne de production résulte directement par une baisse du coût au kWh, sans changer la chimie. C’est souvent là que se cachent les gains qui arriveront le plus vite.
Le coating sec des électrodes est l’une des pistes les plus intéressantes à moyen terme. Le coating est l’étape de fabrication où la matière active est déposée en couche très fine et homogène sur les électrodes métalliques (aluminium pour la cathode, cuivre pour l’anode), une phase clé pour les performances, le rendement industriel et le coût des batteries.
En supprimant ou réduisant fortement l’usage de solvants, il permet :
Ce procédé est encore en phase de montée en cadence industrielle, mais s’il est maîtrisé à grande échelle, il peut réduire à la fois les coûts énergétiques et les investissements nécessaires dans les usines.
Depuis 2023, l’industrie des batteries est entrée dans une phase de surcapacité, en particulier en Chine. Trop d’usines, trop de capacités installées, et une concurrence féroce entre fabricants ont provoqué une guerre des prix.
Même si cette situation n’est pas éternelle, elle a un effet immédiat : les marges se contractent et les prix de vente baissent plus vite que les coûts théoriques. À court et moyen terme, c’est un facteur puissant de réduction des prix, indépendamment des innovations technologiques.
Enfin, un levier souvent sous-estimé concerne la durée de vie. Une batterie qui tient plus de cycles, qui vieillit moins vite à haute température et qui conserve mieux sa capacité permet :
Des brevets récents, comme ceux visant à améliorer la stabilité des cathodes LFP ou à limiter la dégradation électrochimique, ne réduisent pas forcément le coût initial du kWh, mais réduisent le coût réel par kWh utile sur la durée de vie.
À court terme, les principaux leviers de baisse des coûts restent l’effet volume, la pression concurrentielle et la simplification des packs. À moyen terme, les gains viendront surtout des procédés industriels comme le coating sec et de l’amélioration de la durée de vie. Les ruptures technologiques plus radicales, comme le tout-solide, relèvent en revanche d’un horizon plus lointain et ne constituent pas un levier de réduction des coûts à court terme.
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