

Depuis plus de dix ans, les batteries solides sont annoncées comme la prochaine grande révolution de la voiture électrique. À chaque cycle médiatique, elles sont 'presque prêtes', 'à deux ans de la série', ou 'en phase finale de développement'. Pourtant, dans les concessions, rien ne change vraiment. On roule toujours avec des batteries lithium-ion classiques, à électrolyte liquide.
Si le sujet reste aussi confus aujourd'hui, ce n'est pas seulement à cause des retards. C'est surtout parce que le terme 'batterie solide' est devenu un fourre-tout, utilisé à tort et à travers par les industriels, puis repris sans réel tri.
Dans l'imaginaire collectif, une batterie solide désigne une batterie sans électrolyte liquide, où le transport des ions se fait via un matériau entièrement solide. On parle alors de all solid-state battery.
Sur le papier, les promesses sont séduisantes :
Le problème, c'est que la réalité industrielle est beaucoup plus nuancée, et souvent moins spectaculaire.
Aujourd'hui, de nombreuses batteries présentées comme 'solides' contiennent encore du liquide. Parfois très peu, parfois plus qu'on ne l'imagine. Certaines utilisent moins de 10 % d'électrolyte liquide et sont qualifiées de semi-solides. D'autres descendent sous les 5 %, et deviennent 'quasi-solides'.
Mais il n'existe aucune définition officielle et universelle. Chaque acteur fixe ses propres seuils. Certains ne parlent même plus de composition, mais uniquement de résultats ou de performances. Résultat, deux batteries techniquement très différentes peuvent se retrouver sous la même étiquette.
Autrement dit, le mot 'solide' a perdu une grande partie de son sens technique. Ce flou explique pourquoi certaines annonces très médiatisées se sont révélées bien décevantes une fois les cellules ouvertes et analysées.

Toyota promettait des batteries solides pour le milieu des années 2020. Samsung laissait entendre qu'elles étaient imminentes. QuantumScape a vu sa valorisation exploser sur des annonces spectaculaires. Et pourtant, rien n'a réellement débarqué en production de masse.
Les échéances ont systématiquement glissé. Non pas parce que la technologie ne fonctionne pas, mais parce que passer du laboratoire à l'usine est une toute autre affaire. Beaucoup parlent encore aujourd'hui du development hell, cette phase où chaque brique fonctionne séparément, mais où l'ensemble refuse obstinément de devenir industrialisable.
La différence notable aujourd'hui, c'est que on ne parle plus uniquement de brevets ou de cellules de laboratoire. Des usines pilotes ouvrent. Des packs sont intégrés dans de vrais véhicules. Et surtout, des tests sont réalisés sur route, pas seulement sur bancs d'essai.
Deux exemples permettent de mieux situer la réalité actuelle.
MG propose en Chine une version de la MG4 équipée d'une batterie dite semi-solide, contenant environ 5 % d'électrolyte liquide. La promesse principale n'est pas la recharge ultra-rapide, mais la sécurité et la stabilité thermique.
Les chiffres communiqués évoquent :
Ces valeurs ne surpassent pas les meilleures batteries lithium-ion actuelles. Ce n'est donc pas une rupture technologique. En revanche, c'est un signal fort : des batteries semi-solides commencent réellement à sortir du labo, avec un niveau de maturité suffisant pour un usage commercial.
Mercedes, en partenariat avec Factorial Energy, a équipé un véhicule expérimental dérivé de l'EQS d'une batterie solide et a réalisé un test réel sur route. Résultat : environ 1 200 km parcourus sur une seule charge.
Ce point est important. Il ne s'agit ni d'une simulation, ni d'un cycle d'homologation optimisé, mais d'un véhicule roulant réellement. La technologie fonctionne. Elle n'est plus purement théorique.
Mais il faut garder les pieds sur terre. Ce n'est pas encore une industrialisation, et encore moins un produit prêt à être décliné en grande série.
Plusieurs acteurs sont désormais au stade de l'usine pilote, ce qui constitue l'ultime étape avant une production industrielle à grande échelle.
QuantumScape, associé à Volkswagen, a intégré sa batterie dans une moto de course. Les chiffres annoncés sont impressionnants :
Ces valeurs concernent la densité volumique et non gravimétrique, un point souvent mal compris. Malgré ces performances, la production commerciale reste repoussée, avec des tests terrain élargis attendus autour de 2026.
BMW et Solid Power travaillent de leur côté sur une batterie solide à électrolyte sulfure. L'un des intérêts majeurs de cette approche est la compatibilité avec des lignes de production existantes. Solid Power évoque des coûts potentiellement 15 à 35 % inférieurs à certaines solutions concurrentes. Mais là encore, les communiqués mentionnent des 'développements nécessaires', signe que le chantier est loin d'être clos.
Nissan vise officiellement 2028 pour ses premiers véhicules équipés de batteries solides. En pratique, la chaîne industrielle n'en est qu'à ses débuts. Les ambitions sont élevées, les certitudes beaucoup plus fragiles.
D'autres acteurs, comme SK On, évoquent désormais 2029, ce qui reste globalement cohérent avec le consensus industriel actuel.
Contrairement au discours marketing, les batteries solides ne sont pas une solution magique.
Elles posent encore plusieurs problèmes lourds :
Autrement dit, le passage au solide déplace les problèmes autant qu'il ne les supprime. Il change leur nature, sans les effacer.
En recoupant les annonces les plus crédibles, une conclusion s'impose :
avant 2030, il ne faut pas s'attendre à une généralisation des batteries solides dans les voitures de grande diffusion.
Les premiers modèles de série, produits en volumes limités, pourraient apparaître entre 2028 et 2030. La montée en puissance serait progressive, étalée sur le début des années 2030. Même à l'horizon 2035, ces batteries resteraient très minoritaires face au lithium-ion classique, qui continuera d'évoluer en parallèle.
Les batteries solides ne sont ni un mythe, ni la révolution immédiate promise il y a dix ans. Elles existent, fonctionnent, progressent, mais avancent beaucoup plus lentement que le discours marketing ne le laisse croire.
Le vrai problème aujourd'hui n'est pas tant la technologie que le langage. À force d'utiliser le mot 'solide' pour désigner des réalités très différentes, les constructeurs ont brouillé la compréhension du sujet.
La seule grille de lecture valable reste celle de l'usage réel : autonomie, recharge, sécurité, durée de vie et coût. Peu importe qu'une batterie soit 100 % solide ou partiellement liquide si elle tient ses promesses dans la durée.
Pour l'instant, on est clairement dans une phase de progrès concrets mais prudents, loin du basculement brutal annoncé autrefois. Les batteries solides arrivent. Simplement pas au rythme qu'on nous a vendu, ni exactement sous la forme qu'on imaginait.
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