
Il devient de plus en plus difficile de lire un article automobile sans tomber sur des énormités dites avec assurance. À croire que l’analyse rationnelle est devenue un luxe. Qu’il s’agisse du coût d’assurance des voitures électriques, de leur soi-disant non-écologie ou du lien fantasmé entre la crise du marché et Bruxelles, le constat est le même : la plupart des discours tournent à vide, mais ils sont crus. Pire, ils sont partagés, likés, relayés par des gens persuadés d’être bien informés.
Les médias n’ont plus le temps de comprendre ce qu’ils publient. Ils reprennent des chiffres de communiqués de presse sans les analyser. Un assureur publie un rapport expliquant que les voitures électriques coûtent 11 % plus cher à indemniser ? Il n’en faut pas plus pour que tout le monde reprenne la “nouvelle” sans creuser. Personne ne remarque que les chiffres sont biaisés, que le parc électrique est plus jeune, que les modèles comparés ne sont pas équivalents, ni que les experts surévaluent le risque faute de formation.
Résultat : une information bancale devient un fait établi. Et quelques jours plus tard, les influenceurs auto s’en emparent pour “débattre”, souvent sans rien connaître du sujet. Les plateaux YouTube et les fils X (Twitter) se remplissent d’avis péremptoires : “les électriques coûtent plus cher à réparer”, “elles sont jetables”, “c’est un désastre écologique”. Des affirmations proférées sans la moindre base technique.
Le cas de la voiture électrique est symptomatique. Elle concentre tous les fantasmes modernes : l’écologie de façade, la dépendance à la Chine, la peur du progrès. Certains influenceurs n’ont besoin que d’un titre accrocheur pour décréter qu’un simple accrochage transforme une voiture électrique en épave irréparable. L’idée se répand à toute vitesse, sans qu’aucun lecteur ne se demande combien de cas réels existent.
Oui, une batterie endommagée peut coûter cher. Mais cela reste marginal. Et les marques améliorent la réparabilité, la modularité et le diagnostic. Pourtant, l’imaginaire collectif s’est déjà fixé : “une électrique, ça se jette au moindre choc”. C’est faux, mais crédible, donc accepté.
Ce qui rend cette situation inquiétante, ce n’est pas seulement la légèreté des médias, c’est la passivité des lecteurs. On ne vérifie plus rien. On confond “entendu quelque part” avec “vérifié”. On relaie sans comprendre, persuadé que l’information a déjà été validée par quelqu’un d’autre.
Le public est désormais le premier maillon du problème : il ne lit plus les données, il lit les émotions. Tout ce qui confirme ses intuitions ou sa frustration passe comme une vérité. Et plus c’est simpliste, plus c’est viral. La nuance, elle, n’intéresse plus grand monde.
Prenons l’exemple du lien inventé entre la crise automobile et la date butoir de 2035. Combien d’articles affirment que “l’interdiction du thermique” a ruiné le marché ? Alors qu’en réalité, toutes les marques continuent de vendre des moteurs essence et diesel, souvent hybrides, et que la chute des ventes vient surtout de la hausse des prix et du pouvoir d’achat. Mais c’est un récit trop complexe à expliquer, alors on préfère le slogan.
Même logique pour l’assurance : le coût des sinistres sur les voitures électriques serait plus élevé ? Très bien. Mais personne ne précise pourquoi. On laisse croire qu’elles explosent à la moindre bosse, alors que les chiffres s’expliquent surtout par la jeunesse du parc, la valeur plus élevée des véhicules et la prudence excessive des experts.
L’autre drame, c’est cette frontière floue entre le commentaire et l’analyse. Tout le monde peut “donner son avis”, et la quantité d’opinions finit par remplacer la qualité de la réflexion. Dans l’automobile, cela devient presque caricatural : les vidéos, les podcasts, les articles se contentent de broder autour de clichés, sans chercher à comprendre la technique ou l’économie réelle du secteur.
Ce n’est plus la connaissance qui façonne l’opinion, c’est le bruit. Plus c’est dit fort, plus c’est cru. Et cette cacophonie donne aux idées les plus grossières une légitimité qu’elles ne méritent pas.
Ce phénomène dépasse l’automobile. Il illustre la fatigue intellectuelle d’une société qui veut des coupables, pas des explications. Bruxelles, les voitures électriques, les assureurs, les écologistes : chacun son bouc émissaire. Mais personne ne prend la peine de relier les faits, de confronter les chiffres, ou de reconnaître la complexité des problèmes.
Le plus inquiétant n’est pas qu’on dise des bêtises. C’est qu’elles deviennent des repères collectifs. La bêtise, répétée suffisamment souvent, devient la norme. Et dans ce climat, il devient possible de faire avaler à tout un public n’importe quelle idée, pourvu qu’elle flatte sa colère ou sa lassitude.
Les médias et influenceurs n’ont pas tué la vérité : ils l’ont remplacée par la rapidité. La voiture électrique, l’assurance, ou 2035 ne sont que des terrains d’expérimentation de cette dérive. On fabrique des opinions avant de chercher la réalité. Et quand la cohérence disparaît, les mythes prospèrent.
Le vrai danger n’est pas de mal comprendre l’automobile. Le vrai danger, c’est de ne plus savoir qu’on ne comprend pas.
Fiches Audi
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