
L’Europe avance doucement mais sûrement vers une contrainte supplémentaire pour l’automobile : l’intégration d’une proportion minimale de plastique recyclé dans les véhicules neufs. Le chiffre arrêté pour le moment est de 15% pour 2031, 20% pour 2033 et 25 % pour 2035, même si les modalités exactes, les échéances et la part issue du "recyclage post-consommation" restent encore en discussion selon les textes et les versions. Quoi qu’il en soit, la direction est claire. Et comme souvent, l’intention environnementale se heurte rapidement à des réalités industrielles et économiques beaucoup plus complexes.
Il faut impérativement distinguer le plastique recyclé dit interne, issu des rebuts industriels, et le plastique recyclé post-consommation, récupéré après usage, notamment sur des véhicules en fin de vie. C’est ce second point qui change profondément la donne.

La réglementation européenne prévoit une montée progressive vers 25 % de plastique recyclé dans les voitures neuves à horizon d’environ dix ans, avec des paliers intermédiaires comme je l'ai déjà dit en intriducton. Mais surtout, elle impose que la majorité de ce plastique recyclé provienne du post-consommation, avec pour le moment (discussions encore en cours) un seuil fixé autour de 20% du contenu recyclé total. Grosso-modo, il ne suffira plus de réutiliser des chutes propres en sortie d’usine pour satisfaire les exigences. Les constructeurs devront intégrer une part significative de plastiques ayant déjà vécu une première vie.
Ce plastique post-consommation est infiniment plus complexe à exploiter. Il arrive mélangé, contaminé, parfois dégradé, avec des propriétés mécaniques et thermiques hétérogènes. Il doit être trié par famille de polymères, lavé, broyé, refondu, puis corrigé par des additifs ou complété par de la matière vierge pour atteindre les niveaux de qualité exigés en automobile. C’est précisément cette obligation, bien plus que le chiffre brut des 25 %, qui constitue la contrainte industrielle majeure et explique pourquoi le plastique recyclé automobile coûte souvent plus cher que le plastique neuf.
L’une des idées reçues les plus répandues consiste à croire que le plastique recyclé coûte moins cher que le plastique vierge. En pratique, c’est souvent l’inverse. Le plastique recyclé est cher, parfois plus cher que la matière neuve, pour une raison simple : il faut énormément de travail pour le rendre exploitable.
Avant même de parler de transformation, il faut collecter la matière, la trier, l’identifier, la séparer par famille de polymères. Or, dans l’automobile, on ne parle pas d’un plastique quelconque. On parle d’ABS, de PP, de PE, de PA, parfois chargés en fibres, en talc, en additifs ignifuges ou anti-UV. Un plastique mélangé ou mal identifié devient inutilisable.
Une fois trié, le plastique est broyé, lavé, séché, puis refondu. À chaque étape, il y a des pertes, de l’énergie consommée, du contrôle qualité. Et contrairement à l’aluminium ou à l’acier, le plastique se dégrade à chaque cycle de recyclage.
C’est un point fondamental, rarement expliqué. Un plastique ne se recycle pas indéfiniment. À chaque passage à chaud, les chaînes polymères se raccourcissent. Le matériau perd progressivement en résistance mécanique, en tenue thermique, en stabilité dimensionnelle. Un polypropylène recyclé n’a jamais exactement les mêmes propriétés qu’un polypropylène vierge.

C’est pour cela que les plastiques recyclés sont très souvent “dopés” avec de la matière vierge ou des additifs correcteurs. Ce qui veut dire qu'un plastique est rarement recyclé à 100 %, surtout lorsqu’il doit répondre à des contraintes sévères de sécurité, de vieillissement ou d’aspect.
Dans les faits, on recycle bien, mais pas à l’infini, et jamais sans compromis.
Autre réalité peu connue : tous les plastiques ne sont pas recyclables, ou du moins pas économiquement. Les thermoplastiques se prêtent relativement bien au recyclage. Les thermodurcissables, beaucoup moins. Les plastiques multicouches, très utilisés pour leurs propriétés acoustiques ou esthétiques, sont un cauchemar à recycler.
Dans une voiture moderne, une grande partie des plastiques est justement optimisée pour des fonctions précises : absorption acoustique, résistance aux UV, toucher de surface, rigidité locale. Plus on complexifie la pièce, plus on complique son recyclage. Et paradoxalement, les plastiques les plus “haut de gamme” sont souvent les moins recyclables.
Imposer un taux élevé de plastique recyclé dans les voitures neuves, c’est donc imposer :
Tout cela a un coût. Et contrairement à ce que certains discours laissent entendre, ce coût finit toujours par se retrouver quelque part, généralement sur le prix final du véhicule.
Certains constructeurs pourraient compenser ce surcoût par une épuration des habitacles façon tesla. Moins de pièces, moins de boutons, moins de décorations. L’argument tient partiellement. Épurer, c’est du bon sens industriel, et c’est aussi une tendance de fond, parfois même une mode. Des planches de bord plus simples, moins chargées, peuvent réduire le nombre de pièces et les temps d’assemblage.
Mais cet argument a ses limites car il consiste à trouver le moyen psychologique d'accepter de se faire spolier. Même avec des habitacles plus simples le coût matière augmente, et dans un contexte de forte inflation automobile ce n’est clairement pas ce dont le marché a besoin.
Rappeler ces contraintes ne revient pas à dire que le recyclage du plastique est une mauvaise idée. Au contraire. C’est un enjeu réel, nécessaire, et incontournable. Mais croire qu’il s’agit d’un levier simple, peu coûteux et immédiatement vertueux relève d’une vision très simplifiée de la réalité industrielle.
Le recyclage du plastique est un compromis permanent entre performance, durabilité, coût et faisabilité. Plus on impose des seuils élevés, plus les compromis deviennent visibles. Et plus les effets de bord apparaissent, notamment sur le prix des voitures.
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