
Depuis deux à trois ans, un phénomène devient difficile à ignorer : certaines supercars très récentes, pourtant plus performantes que jamais sur le papier, voient leur valeur chuter à une vitesse inhabituelle. Le point commun entre les modèles les plus touchés est assez clair. Il s’agit majoritairement de voitures hybrides, plus lourdes, équipées de moteurs plus petits et plus complexes, souvent perçues comme une rupture nette avec l’ADN mécanique historique des marques.
Ferrari SF90, Ferrari 296, Lamborghini Revuelto ou encore McLaren Artura reviennent systématiquement dans les discussions. À l’inverse, les supercars thermiques pures, y compris récentes, résistent bien mieux. Le marché ne semble donc pas sanctionner la performance ou le prix en soi, mais une évolution technique et émotionnelle jugée moins désirable.
Le cas Ferrari est particulièrement intéressant, car les données disponibles sont nombreuses et précises. La SF90, vitrine technologique de la marque, est devenue l’un des symboles de cette décote accélérée. Une SF90 correctement optionnée s’affichait neuve autour de 740 000 dollars. Aujourd’hui, certaines annonces montrent des pertes dépassant 300 000 dollars en seulement deux ans.
Sur un an, la décote est déjà sévère. Les versions coupé affichent une baisse d’environ 15 %, tandis que les Spider reculent d’environ 12 %. Depuis leur lancement, certaines SF90 ont perdu jusqu’à 32 % de leur valeur. La Ferrari 296 fait encore pire sur certains points. Les versions coupé enregistrent une baisse annuelle proche de 18 %, les Spider autour de 14 %. Une 296 coupé de 2023 a ainsi perdu près de 25 % de sa valeur, là où une Ferrari F8 équivalente, pourtant plus ancienne, n’a perdu qu’environ 8 % sur la même période.
Ces écarts sont trop importants pour être anecdotiques. Ils traduisent un rejet clair de certains modèles, indépendamment de leur modernité ou de leurs performances.
Beaucoup en parlent à l'étranger (en France la supercar est en voie de disparition on va dire ... Merci malus) et c'est donc pour cette raison que j'ai voulu vous partager tout cela.
La comparaison avec les anciennes générations est sans appel. Des modèles comme les Ferrari F8, 812, F12, 458 ou même F430 tiennent remarquablement bien la cote, et certains voient même leur valeur progresser. Les versions plus radicales accentuent encore ce phénomène. Les 458 Speciale, 488 Pista, F430 Scuderia ou 360 Challenge Stradale affichent des hausses parfois comprises entre 40 et 50 % sur plusieurs années.
En gros, le marché fait un tri très net et il y a bien deux compartiments biens distincts qu'il ne faut surtout pas amalgamer. Les voitures perçues comme l’aboutissement d’une ère mécanique sont devenues des valeurs refuge, tandis que celles incarnant la transition technologique subissent une forme de désamour. Ce n’est pas la marque qui est remise en cause, mais la nature technique du produit.
Il est donc encore une fois important de remettre les choses en perspective. Contrairement à ce que certains discours alarmistes laissent entendre, le marché global des supercars ne s’effondre pas. Les chiffres montrent même une forme de stabilisation. La dépréciation moyenne récente tourne autour de 1 % par an, contre près de 4,8 % auparavant. De nombreux modèles restent stables, et certains segments repartent clairement à la hausse.
La chute concerne donc des modèles bien identifiés, et non l’ensemble du marché. Cette distinction est essentielle. Elle montre que l’on n’assiste pas à un rejet des supercars en tant que telles, mais à une sélection de plus en plus fine de ce qui est jugé désirable à long terme.
Plusieurs facteurs se cumulent. D’abord, la surproduction. Les années 2020 à 2023 ont été marquées par un accès facile au crédit, des taux bas et une euphorie post-Covid qui a poussé de nombreux acheteurs à commander des voitures sans toujours mesurer la suite. Résultat, trop de supercars ont été livrées en même temps, et le marché secondaire se retrouve saturé.
Ensuite, l’inflation des séries dites limitées a vidé le concept de sa substance. Quand une Ferrari F12 TDF était produite à 799 exemplaires, l’exclusivité restait tangible. Avec une 812 Competizione dépassant les 1 600 unités, ou une Aventador SVJ avoisinant les 1 700 exemplaires, la rareté devient relative. Le badge “limited” ne suffit plus à soutenir la valeur.
À cela s’ajoute un changement profond de l’ADN technique. Le passage de moteurs atmosphériques généreux à des blocs plus petits, turbo-hybridés, s’accompagne d’une prise de poids massive. LE V6 d'une Ferrari, aussi puissant soit-il (grâce à l'électrique ..) ne fait franchement pas rêver quand on sait qu'une familiale américaine a ce genre de moulin (même si moins pointu).Une McLaren 675LT affichait environ 1 240 kg. Les supercars hybrides actuelles flirtent avec les 1 650 à 1 700 kg. Les performances progressent, mais l’émotion perçue recule, et le marché ne s’y trompe pas.
Un autre élément ressort clairement : la nostalgie n’est plus marginale, elle structure désormais le marché. Le son, la simplicité mécanique, la relation directe entre le moteur et le conducteur sont devenus des critères de valorisation. Les voitures sans hybridation, sans complexité excessive, sont vues comme des aboutissements, presque comme des pièces de collection modernes.
Les supercars hybrides, à l’inverse, souffrent d’une image transitoire. Elles arrivent trop tard pour incarner la tradition, et trop tôt pour représenter une rupture pleinement assumée. Elles se retrouvent coincées entre deux mondes, et cette position intermédiaire est rarement favorable à la cote.
En gros, les hybrides sont peu émotives et moins performantes que les électriques, et en même temps elles sont devenues trop aseptisées pour profiter pleinement du plaisir mécanique (son éteint, régime max peu élevé ..).
Il faut toutefois rester honnête. La décote n’est pas une nouveauté. Une Audi R8 de 2012 pouvait perdre près de 39 % en deux ans et demi. Une McLaren MP4-12C a perdu environ 44 % en un an. Une Ferrari FF a connu une chute proche de 48 %. Même une AMG GTR a perdu environ 33 % en deux ans.
La différence aujourd’hui, c’est que la décote frappe des modèles censés être l’élite technologique et émotionnelle de leur époque. Voir une Ferrari SF90 perdre plus de 40 % dans certains cas, soit près de 200 000 livres sterling, marque les esprits. Le marché ne pardonne plus aussi facilement les choix techniques jugés trop éloignés de ce qu’il attend d’une supercar.
La décote fulgurante des supercars hybrides récentes n’est ni un accident, ni un simple cycle de marché. Elle traduit un désalignement entre l’offre et l’attente réelle des acheteurs. Plus performantes, plus complexes et plus lourdes, ces voitures peinent à susciter le désir durable qui fait la valeur d’une supercar dans le temps.
À l’inverse, les modèles thermiques des générations précédentes, parfois moins rapides mais plus lisibles mécaniquement, deviennent des repères stables. Le marché ne rejette pas la modernité. Il sanctionne surtout ce qu’il perçoit comme une perte d’âme.
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