Crédit automobile aux Etats-Unis : la prochaine bulle après les subprimes ?

Dernière modification : 16/12/2025 -  0


Le crédit automobile est longtemps resté un sujet secondaire dans l’analyse économique globale. Pourtant, aux Etats-Unis, il est devenu un pilier discret mais central de la consommation. Les voitures y sont de plus en plus chères, les revenus réels progressent peu, et l’écart entre les deux est comblé presque exclusivement par le crédit. Quand les prix dépassent ce que le marché peut absorber naturellement, le financement devient la variable d’ajustement. C’est précisément ce qui est en train de se produire.

Depuis plusieurs trimestres, les signaux s’accumulent. Allongement des durées de prêts, hausse des mensualités, multiplication des crédits accordés à des profils fragiles. Dans le même temps, les défauts de paiement repartent à la hausse. Le secteur commence à montrer des fissures, et certaines sont déjà bien visibles.

Les faits : premiers défauts et marché saturé

Plusieurs acteurs américains spécialisés dans le financement automobile à risque ont récemment rencontré de graves difficultés, allant jusqu’au défaut pur et simple pour certains. Ces entreprises opèrent sur le segment dit subprime, c’est-à-dire des emprunteurs ayant des scores de crédit faibles ou intermédiaires. Ce ne sont pas des acteurs marginaux. Ils assurent une part significative des ventes, en particulier sur les véhicules les plus chers et les plus récents.

La plus visible est Tricolor Holdings, un prêteur spécialisé dans les crédits subprime auto, particulièrement auprès de ménages à faibles revenus. Cette entreprise a connu une croissance très rapide ces dernières années, en prêtant massivement à des clients aux scores de crédit faibles ou inexistants. Sa faillite a été suivie d’une charge significative enregistrée par de grandes banques qui avaient une exposition à ses titres adossés à ces crédits. The Guardian

Dans la foulée, First Brands, un fournisseur de pièces détachées et impliqué dans des activités financières autour de l’automobile, a lui aussi déposé le bilan. Bien que ses difficultés aient des causes internes (notamment une tentative de refinancement qui a échoué), sa défaillance renforce l’idée que la tension ne se limite pas à un cas isolé. Reuters

Ces faillites ne sont pas des événements anecdotiques. Elles montrent que la capacité de remboursement des ménages est clairement mise à l’épreuve.

Dans le même temps, les concessions automobiles américaines font face à un phénomène de plus en plus visible : l’accumulation de stocks. Des parkings entiers remplis de véhicules neufs, parfois immobilisés depuis plusieurs mois, circulent abondamment sur les réseaux. Ce n’est pas anecdotique. Un marché sain ne stocke pas massivement des biens aussi coûteux. Lorsque les voitures ne sortent plus, ce n’est pas par manque d’offre, mais par manque de demande solvable.

Le paradoxe est frappant. Les prix restent élevés, parfois même inchangés, alors que la rotation ralentit. Cela signifie que les vendeurs préfèrent immobiliser du capital plutôt que d’ajuster brutalement les tarifs. Une stratégie tenable à court terme, beaucoup moins à moyen terme.

Rappel synthétique : comment les subprimes ont déclenché la crise de 2008

Avant d’aller plus loin, un détour rapide s’impose. La crise des subprimes n’est pas née d’un effondrement soudain, mais d’un empilement de déséquilibres. Des crédits immobiliers ont été accordés à des ménages qui n’avaient pas la capacité réelle de les rembourser. Tant que les prix de l’immobilier montaient, le système tenait. Dès que cette hausse s’est arrêtée, les défauts ont explosé.

Ces prêts ont ensuite été transformés en produits financiers complexes, disséminés dans l’ensemble du système bancaire. Lorsque les défauts se sont multipliés, la contagion a été immédiate. Le problème initial était localisé, mais sa propagation a été globale.

La leçon principale est simple : ce n’est pas la taille d’un marché qui provoque une crise, mais son interconnexion avec le reste du système financier.

Crédit auto et subprimes : des similarités troublantes

Le crédit automobile actuel présente plusieurs points communs avec les subprimes d’hier. D’abord, une distribution de crédit de plus en plus permissive. Ensuite, un actif sous-jacent dont le prix a été artificiellement gonflé par cette facilité d’accès au financement. Enfin, une montée progressive mais constante des défauts de paiement.

La différence majeure tient à la nature de l’actif. Une voiture est un bien qui se déprécie rapidement. Dès la sortie de concession, sa valeur chute, parfois de manière très marquée. Cela signifie que, en cas de défaut, la récupération de valeur pour le prêteur est limitée. Contrairement à l’immobilier, il n’existe pas d’effet de rattrapage naturel.

Ce point est fondamental. Il rend le système plus fragile encore. Lorsque les défauts s’accumulent, les pertes sont immédiates et peu récupérables.

Ce qui ressemble et ce qui diffère

Sur plusieurs points, les similitudes sautent aux yeux :

  • Les prêts deviennent plus nombreux et plus faciles à obtenir, même pour des emprunteurs fragiles.

  • Les défauts de paiement augmentent, notamment dans les segments subprime.

  • Des acteurs spécialisés en crédit automobile se retrouvent en difficulté, voire en faillite.

Mais il existe une différence majeure entre l’immobilier et l’automobile. Une maison conserve une valeur tangible qu’on peut revendre en cas de défaut. Une voiture, elle, se déprécie très vite, parfois dès la sortie de concession. Cela signifie que la marge de sécurité pour un prêteur est beaucoup plus faible : quand un emprunteur cesse de payer, recouvrer la valeur du bien est nettement plus compliqué et coûteux.

Ce que disent les autorités financières

Sur cette situation, même des organismes externes ont commencé à alerter. La Banque d’Angleterre a récemment évoqué les risques croissants dans les marchés du crédit privé, y compris autour du crédit automobile, pointant des faiblesses structurelles qui méritent une attention accrue.

Ce type de mise en garde renforce l’idée que le phénomène n’est pas une anomalie locale, mais un signal économique réel digne d’intérêt, comme l’a déjà souligné une partie des marchés financiers et des analystes.

L’emploi américain, variable clé du problème

Les autorités américaines continuent d’afficher des chiffres de chômage rassurants. Officiellement, le marché du travail tient bon. En réalité, la situation est plus nuancée. Une part croissante des emplois créés sont précaires, à temps partiel ou mal rémunérés. Les révisions statistiques a posteriori sont fréquentes et atténuent souvent la perception du ralentissement.

Or, le crédit est toujours un indicateur avancé. Avant que le chômage n’explose, ce sont les défauts de paiement qui augmentent. Cartes de crédit, prêts personnels, et désormais crédits automobiles montrent des signes clairs de tension. Les ménages arbitrent. Et la voiture, bien qu’essentielle dans la vie américaine, devient un poste de dépense difficile à tenir lorsque les revenus se contractent.

Jusqu’où peut aller la crise ?

La question centrale est celle de la contagion. Le crédit automobile, pris isolément, n’a pas le poids de l’immobilier de 2008. Le marché des prêts auto, même subprime, est beaucoup plus petit que le marché hypothécaire américain de l’époque. Mais il est profondément imbriqué dans le système financier via la titrisation, les fonds d’investissement et les banques exposées à ces produits.

Un scénario modéré verrait une correction brutale du marché automobile américain. Baisse des prix, faillites de certains prêteurs, concessions en difficulté. Un scénario plus sévère impliquerait une propagation vers d’autres segments du crédit, avec une perte de confiance généralisée sur la capacité des ménages à rembourser leurs dettes.

Ce qui est certain, c’est que le premier domino est déjà fragilisé.

Et l’Europe dans tout ça ?

L’Europe n’est pas les Etats-Unis. Les durées de crédit y sont plus courtes, les conditions d’octroi plus strictes, et la titrisation moins massive. Pour autant, les prix des voitures y ont aussi fortement augmenté, et le recours au financement long progresse.

Le risque n’est donc pas nul. Il est simplement plus diffus. Si une crise du crédit automobile devait éclater aux Etats-Unis, elle aurait nécessairement des répercussions indirectes en Europe, via les marchés financiers, les constructeurs mondiaux et la confiance des consommateurs.

Mais on va être honnête, le secteur automobile n'aurait pas besoin de ça en ce moment, car il est déjà aux aboies ... Donc si ce genre de crise n'est à la base pas si dramatique, associée à tout le reste ça pourrait commencer à devenir sérieux.

Conclusion : un risque réel, encore sous-estimé

Le crédit automobile américain concentre aujourd’hui de nombreux excès. Prix déconnectés des revenus, financement permissif, actifs fortement dépréciables, et premiers défauts significatifs. Tous les ingrédients d’une crise sectorielle sont réunis.

Il est encore trop tôt pour parler d’un effondrement global comparable à 2008. Mais ignorer les signaux serait une erreur. Les crises financières ne préviennent jamais quand elles commencent. Elles se construisent lentement, puis se déclenchent brutalement.

Et il devient de plus en plus difficile de prétendre que tout va bien.


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