Le passage à la carte grise numérique en France se prépare dans une certaine discrétion, comme souvent avec les grandes mutations administratives. Cette dématérialisation va dans la continuité du programme France Identité, et si elle peut paraître pratique sur le papier, elle n’est pas sans effets secondaires.
Concrètement, il s’agit de dire adieu au bon vieux certificat d’immatriculation au format papier. Tout sera centralisé sous forme numérique, stocké dans une application ou sur un espace personnel en ligne, et lié à l’identité de son propriétaire. Votre voiture sera donc virtuellement accrochée à votre nom et à votre smartphone. Le document physique ne sera plus nécessaire et il ne sera plus possible de prouver grand-chose sans connexion, sans accès, ou sans batterie... Mais est-ce bien grave puisque les forces de l'ordre peuvent scanner votre plaque et connaître toutes les informations, notamment celles de la carte grise.
Le programme s’appuie sur l’application France Identité développée par l’État pour vérifier l’identité des citoyens de manière numérique. Une sorte de clef universelle pour accéder aux services publics via la nouvelle carte d’identité biométrique. Pour gérer une carte grise numérique il faudra donc s’authentifier en quelques clics (et avec son visage ou son empreinte). Cela permettra de limiter les fraudes, mais aussi de verrouiller toute opération sans validation de l’usager principal.
Traduction : vous ne pourrez plus vendre une voiture ou la mettre au nom de quelqu’un d’autre sans passer par une validation personnelle sur smartphone avec l’application officielle.
Le projet est encore en phase d’expérimentation mais l’objectif est clair : dès 2025, certains conducteurs commenceront à recevoir leur carte grise sous forme numérique uniquement. Le reste suivra. Comme pour le timbre fiscal ou la vignette verte d’assurance, la logique est de tout numériser, jusqu’à ce que les documents physiques disparaissent totalement de nos boîtes à gants.
Si on s’en tient à la version officielle ce changement est synonyme de simplicité, de sécurité et de modernité. Mais en regardant un peu plus loin plusieurs inconvénients émergent.
Tout d'abord, cela devrait permettre de réduire les coûts liés à l'administratif pour l'Etat, bien que ce soit bien le contribuable qui paie sa carte grise, et parfois très cher ...
Ensuite, la question de la vie privée. En liant un véhicule à une identité numérique centralisée on facilite la traçabilité. Il devient théoriquement possible de savoir qui était au volant, quand, où, et à quelle fréquence. Surtout si d’autres services connectés (stationnement, péage, radar urbain) viennent s’emboîter dans l’écosystème. Avec le numérique, on peut être pisté, bloqué et tracé à distance. Et pas besoin de paranoïa pour voir que la porte est déjà entrouverte.
Ensuite, le contrôle à distance : un certificat d’immatriculation numérique peut être suspendu automatiquement. Par exemple, en cas d’amende impayée, de contrôle technique expiré ou d’impôt en souffrance. Cela pourrait devenir un levier de pression sans passer par un juge ou un agent. Une simple alerte dans un fichier, et votre voiture devient juridiquement "hors la loi".
On peut aussi parler de la fracture numérique. Tout le monde n’a pas un smartphone récent, ou l’habitude d’utiliser des applications d’authentification. Les démarches simples risquent de devenir inaccessibles à certains profils. Les oubliés du numérique seront encore une fois les grands perdants.
À cela s’ajoute un risque de dépendance technologique. Si votre téléphone tombe en panne, est perdu ou volé, vous pouvez vous retrouver sans moyen de prouver que le véhicule vous appartient. Difficile d’improviser une vente ou un passage au contrôle technique si tout est verrouillé dans un terminal hors-service. Et plus on concentre de documents sur un seul appareil, plus on s’expose à tout perdre d’un seul coup.
Et enfin, le risque de piratage ou de défaillance des serveurs. Une panne, une attaque informatique ou une simple erreur de l’administration peut suffire à rendre un véhicule invendable, ou son propriétaire dépossédé temporairement de ses droits.
Cela dit, il faut rester lucide : il est logique que tous les supports papiers finissent un jour par migrer vers des supports numériques. C’est même une étape attendue, au regard de l’évolution des choses. Et si on pousse la réflexion plus loin, on comprend que les technologies comme la blockchain ou les cryptomonnaies sont en train de montrer la voie. Des systèmes décentralisés, infalsifiables et incensurables qui permettent de produire une forme de preuve numérique bien plus fiable qu’un bout de papier à l’ancienne. Et c’est aussi l’un des avantages de cette évolution : il est bien plus facile de falsifier une carte grise papier que de pirater la base de donnée qui centralise tout ça (et si c'est sur une blockchain alors c'est inpiratable).
En conclusion, la carte grise numérique pourrait bien simplifier certains aspects... mais elle concentre aussi beaucoup de pouvoir dans un système unique, invisible, et potentiellement intrusif. Un pas de plus vers un monde où les objets qu’on croit posséder sont en réalité gérés à distance, à condition d’être connecté, conforme et bien noté.
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