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L'évolution des interfaces numériques avec écran dans l'automobile ne s'est évidemment pas faite d'un seul coup, ni selon une trajectoire linéaire. Elle est le résultat de plusieurs décennies d'expérimentations, d'échecs, de retours en arrière et de tentatives plus ou moins heureuses. Bien avant que l'écran ne devienne normalisé et omniprésent dans les habitacles modernes, les constructeurs ont cherché à remplacer ou compléter les commandes traditionnelles par des affichages électroniques (plus dans un but marketing au début il faut l'avouer), parfois avec une audace remarquable, mais souvent avec des moyens techniques insuffisants comme vous vous en doutez ...
Ce qui est intéressant à observer, ce n'est pas simplement le fait que l'écran se soit imposé, mais la manière et la vitesse dont il y est arrivé. Par essais successifs, par erreurs, par interfaces ratées, par solutions arrivées trop tôt, puis par d'autres qui ont vieilli plus vite que le reste de la voiture. Pendant des décennies, l'écran a cherché sa place dans l'habitacle, sans vraiment la trouver. Tantôt gadget, tantôt outil utile, tantôt élément déterminant ...
Revenir sur cette évolution permet de remettre beaucoup de choses en perspective. On comprend pourquoi certaines voitures des années 80 ou 90 vieillissent mal à cause de leur interface, et surtout à partir de quand l'écran a cessé d'être une curiosité pour devenir une interface vitale qui redéfinit l'ergonomie générale, capable d'absorber la complexité croissante de l'automobile moderne. C'est cette progression que nous allons voir ici, mêlée de nostalgie et de repères pour parvenir à établir un panorama synthétique.
L'une des toutes premières voitures à bousculer frontalement l'instrumentation classique est l'Aston Martin Lagonda, présentée en 1976. Aston Martin fait alors un choix radical : remplacer les compteurs analogiques par un affichage entièrement numérique. On ne parle pas encore d'écran central multimédia, mais bien d'un combiné d'instruments numérique, ce qui en fait une sorte d'ancêtre du virtual cockpit moderne.

Techniquement, la Lagonda connaîtra plusieurs versions. Les premières utilisent des affichages à LED, puis évolueront vers des écrans cathodiques (CRT) au début des années 80. Sur certaines séries, on trouve jusqu'à trois petits écrans CRT d'environ 5 pouces chacun, chargés d'afficher vitesse, régime moteur et informations secondaires. Pour l'époque, c'est totalement délirant. Aucun autre constructeur ne va aussi loin.
Le problème est que la technologie n'est absolument pas mature. Temps de réponse lent, lisibilité médiocre, pannes fréquentes, sensibilité à la chaleur et aux vibrations. La Lagonda est célèbre autant pour son audace que pour les migraines qu'elle inflige à ses propriétaires. Pourtant, l'idée est là. L'information de conduite peut être affichée autrement que par des aiguilles. Le principe est posé, même s'il est encore inexploitable au quotidien.
Dans les années 80, le numérique quitte progressivement le statut d'ovni pour devenir un argument marketing. Beaucoup de constructeurs proposent des tableaux de bord digitaux, souvent en option, surtout sur des modèles à vocation technologique ou sportive. Nissan, Toyota, Honda ou encore Chevrolet s'y essaient.
La Nissan 300ZX Z31 est un bon exemple. Elle peut recevoir un combiné d'instruments numérique affichant la vitesse et le régime moteur sous forme de chiffres et de barres graphiques façon K2000. Sur le papier c'est moderne mais beaucoup d'utilisateurs trouvent la lecture moins naturelle qu'avec une aiguille (comme quoi, dès l'affichage numérique des valeurs il y avait déjà des "rouspéteurs". L'Homme n'aime pas le changement, ou plutôt il aime qu'il soit très progressif ...). Le cerveau humain n'interprète pas un chiffre qui change en permanence de la même manière qu'un mouvement continu. C'est une leçon importante que l'automobile mettra longtemps à intégrer.
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La Citroen BX a aussi eu sa tentation numérique très tôt (chez Citroën on aime innover quitte à paraître parfois décalé), via la BX 19 Digit lancée en septembre 1985 en série limitée (environ 3 000 exemplaires), avec un combiné à affichage électronique qui remplaçait les compteurs classiques et un ordinateur de bord plus complet que ce qu'on voyait d'habitude sur une familiale de l'époque. C'était typiquement le genre d'idée “en avance”, un peu déstabilisante, mais parfaite pour montrer que même en Europe on testait déjà le cockpit numériqe bien avant que ça devienne banal.

Mais l'innovation la plus radicale de la décennie reste l'arrivée de l'écran central de commande. En 1986, la Buick Riviera introduit le Graphic Control Center. Il s'agit d'un écran cathodique monochrome d'environ 9 pouces, recouvert d'une surface tactile. Ce n'est pas un simple affichage, l'écran pilote réellement des fonctions. Climatisation, autoradio, informations de trajet, rappels d'entretien. Tout passe par lui. tesla n'a qu'à bien se tenir !
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C'est une révolution conceptuelle. Pour la première fois, une voiture de série propose une interface centralisée, logicielle, presque configurable. Mais là encore, tout arrive trop tôt. L'écran est lent, peu lisible en plein soleil, parfois imprécis au toucher. Surtout, les utilisateurs ne sont pas prêts. Beaucoup ne comprennent pas immédiatement comment interagir avec un écran dans une voiture. Certains hésitent même à l'utiliser, par crainte de mal faire. A cette époque peu de monde manie des interfaces numériques dans leur quotidien, c'est vraiment quelque chose qui n'est pas familier. La Riviera n'échoue pas par erreur ou manque de vision, mais parce qu'elle arrive dans un monde qui n'a pas encore les codes du numérique.
Après les expérimentations trop ambitieuses des années 70 et 80, l'automobile marque une pause. L'électronique progresse, mais de manière plus prudente. Et c'est à la toute fin des années 90 que l'écran revient réellement dans les habitacles, cette fois avec une justification claire : la navigation GPS. Ce point est fondamental, car il marque le passage de l'écran du domaine expérimental à un usage concret, immédiatement compréhensible par le grand public.

Il faut rappeler un contexte souvent oublié. Le GPS n'est pas à l'origine une technologie civile. Le système Global Positioning System est développé par le département de la Défense américain, et pendant longtemps, son usage civil est volontairement dégradé par la fameuse Selective Availability, qui introduit une erreur artificielle de plusieurs dizaines de mètres. Ce n'est qu'en mai 2000 que cette dégradation est officiellement désactivée, rendant le GPS pleinement exploitable pour le grand public. Mais dès la fin des années 90, l'automobile commence à intégrer cette technologie, parfois avec des systèmes hybrides combinant GPS, capteurs de vitesse et gyroscopes pour compenser les imprécisions.
C'est dans ce contexte que les premiers écrans réellement utiles apparaissent. Ils ne servent pas à faire joli. Ils servent à afficher une carte (certes microscopique !), un itinéraire, une position. Pour la première fois, l'écran apporte une valeur ajoutée immédiate. Il remplace les cartes papier, les indications approximatives, les arrêts fréquents pour demander son chemin. Même limité, même lent, il rend service.
Techniquement, ces écrans restent très modestes. Les diagonales dépassent rarement 5 à 7 pouces. Les résolutions sont faibles, souvent autour de 320x240 pixels, parfois moins. Les couleurs sont ternes, les graphismes grossiers, les animations quasi inexistantes. L'écran n'est jamais tactile. Il est piloté par des boutons physiques, parfois regroupés autour de l'écran, parfois disposés sur la console centrale. La logique d'interaction est encore très éloignée de ce que l'on connaît aujourd'hui.

Les fonctions disponibles sont néanmoins déjà structurées. Navigation GPS avec cartographie stockée sur CD, parfois sur plusieurs disques selon les régions. Affichage de la position, du cap, de la distance restante. Calcul d'itinéraire relativement basique, avec peu de critères de choix. A cela s'ajoutent souvent l'ordinateur de bord, l'heure, la température extérieure, parfois la consommation moyenne. Sur les modèles haut de gamme, l'écran peut aussi afficher certaines informations liées à l'autoradio, les titres des CD en lecture (la cassette a déjà presque disparu) ou au téléphone embarqué quand il existe (souvnet le cas car l'écran est à cette époque associé au haut de gamme).
Des modèles comme la BMW Série 7 E38 incarne parfaitement cette période. L'écran est là, visible, intégré (comme on pouvait) dans la planche de bord, mais il ne structure pas encore l'ergonomie globale. Il complète ou donne l'impression d'une certaine opulence par la technologie. Il ne commande presque rien, on peut parfaitement vivre sans lui, et beaucoup de clients s'en passent.
Avec le recul, ces interfaces ont souvent mal vieilli. Les graphismes trahissent immédiatement leur époque, les écrans paraissent minuscules, les cartes figées. Une voiture de la même génération sans écran peut paraître plus intemporelle, plus cohérente visuellement. Mais il serait injuste de les balayer d'un revers de main. Ces systèmes marquent une étape essentielle. Pour la première fois, l'écran cesse d'être un gadget technologique. Il devient un outil. Imparfait, lent, limité, mais utile.
C'est aussi à ce moment-là que l'automobiliste commence à accepter l'idée qu'une fonction essentielle puisse passer par un écran. Ce glissement culturel est déterminant. Sans cette étape, l'explosion des interfaces multimédia des années 2000 et 2010 n'aurait tout simplement pas été possible.

Les années 2000 constituent sans doute la période la plus inconfortable de l'histoire des interfaces numériques automobiles. L'écran commence à se répandre, mais il n'est pas encore assumé. Les constructeurs savent qu'il va devenir important, sans être certains qu'il doit déjà être central. Résultat, l'écran est souvent proposé en option, et son intégration modifie profondément l'architecture intérieure des véhicules. Dans beaucoup de voitures il peut être obturé en rentrant dans la planche de bord (avec donc un mécanisme pour le rétracter ou le sortir ! Chez Audi tous les modèles étaient faits ainsi) ou en étant masqué par un cache. Beaucoup apprécient cette manière de faire mais ça disparaitra pour des raisons de coûts et de taille d'écran croissante.


Sur le plan technique, les écrans de cette époque progressent lentement. Les diagonales se situent généralement entre 6,5 et 8 pouces, parfois 9 pouces sur les modèles les plus haut de gamme. Les résolutions restent modestes, souvent autour de 400x240 ou 640x480 pixels dans le meilleur des cas. Les écrans sont non tactiles, avec une luminosité encore limitée et des contrastes moyens. Ils sont conçus avant tout pour être lisibles, pas pour être beaux. Les animations sont rares, la navigation dans les menus est lente, et chaque action demande souvent plusieurs secondes de latence.
Le top du top à cette époque était de pouvoir regarder la télévision à bord, mais la compatibilité avec la TNT a vite désactivé cette fonction sur certaines d'entre elles ...

C'est aussi la période où apparaissent les grandes interfaces propriétaires, chacune avec sa philosophie, souvent très différente. Chez BMW, l'arrivée de l'iDrive marque une rupture nette. Introduit au début des années 2000 sur la Série 7 E65, puis décliné progressivement sur d'autres modèles, il repose sur une molette centrale permettant de naviguer dans des menus hiérarchisés. Sur la BMW Série 3 E90, cette interface transforme complètement la planche de bord. Deux versions coexistent. Sans écran, l'habitacle reste classique, avec des commandes physiques réparties de manière intuitive. Avec écran, l'iDrive centralise la navigation, les réglages du véhicule, l'audio, parfois le téléphone. La console change, la lecture de l'habitacle aussi. Avec le recul, beaucoup estiment que les versions sans écran ont mieux vieilli, car le premier iDrive souffre de graphismes datés, de menus trop profonds et d'une ergonomie encore mal digérée par les utilisateurs.

Audi adopte une approche différente avec le MMI. Là aussi, l'écran est non tactile, mais l'ergonomie repose sur une molette accompagnée de touches de raccourci. Audi mise davantage sur la logique et la clarté visuelle, avec une interface un peu plus lisible, mais toujours lente et limitée par la puissance de calcul de l'époque. Le MMI permet de gérer la navigation GPS, l'audio, certaines fonctions de confort et, progressivement, des réglages liés au véhicule. L'écran reste cependant un affichage secondaire, et beaucoup de commandes continuent d'exister physiquement.

Chez Mercedes, le système COMAND suit une trajectoire comparable. Écran central intégré, commandes par boutons ou molette selon les générations, navigation GPS sur DVD, affichage du téléphone, réglages audio. L'ensemble est robuste, mais peu intuitif. Là encore, l'écran existe, mais il ne s'impose pas comme indispensable.
D'autres constructeurs explorent aussi leurs propres solutions. Lexus développe ses premières interfaces centralisées, souvent très conservatrices dans leur présentation. PSA propose des écrans plus modestes, souvent monochromes ou de petite taille, cantonnés à la navigation et à l'ordinateur de bord. Renault expérimente également des écrans centraux, mais avec une intégration encore timide et des fonctionnalités limitées.
Ce qui frappe avec le recul, c'est la coexistence de deux mondes dans une même voiture. D'un côté, un écran censé représenter le futur. De l'autre, une multitude de boutons hérités du passé. Cette dualité crée parfois une incohérence ergonomique. L'utilisateur ne sait pas toujours où chercher une fonction. Certaines sont accessibles via l'écran, d'autres via des commandes physiques. Rien n'est encore vraiment tranché, ça manque d'unité.
Cette période est aussi celle où l'écran vieillit mal. Les graphismes figés, les cartes GPS stockées sur CD ou DVD, les temps de calcul interminables donnent aujourd'hui une impression d'obsolescence très marquée. Une voiture de cette époque sans écran peut paraître plus intemporelle, plus lisible, là où une version équipée d'un système multimédia accuse immédiatement son âge.
Mais malgré toutes leurs limites, ces interfaces des années 2000 jouent un rôle fondamental. Elles habituent progressivement les conducteurs à l'idée qu'un écran puisse centraliser des fonctions, c'est l'époque tremplin. Elles posent les bases des architectures logicielles modernes. Elles essuient les critiques, encaissent les erreurs, et permettent aux générations suivantes de devenir réellement pertinentes. Sans cette décennie de tâtonnements, l'explosion des interfaces abouties du milieu des années 2010 n'aurait jamais été possible.
Le milieu des années 2010 marque un basculement clair. Pour la première fois, l'écran n'est plus perçu comme un ajout optionnel ou un gadget technologique. Il devient indispensable au fonctionnement quotidien de la voiture moderne. Non pas parce que les constructeurs l'imposent, mais parce qu'il commence enfin à remplir correctement son rôle. La technologie et la maturité ont rattrapé l'idée.

Sur le plan matériel, on observe une montée en gamme nette. Les diagonales augmentent sensiblement, passant de 7 ou 8 pouces à 9, 10, parfois 12 pouces selon les segments. Les résolutions progressent aussi. On quitte progressivement les affichages grossiers hérités des années 2000 pour des dalles dépassant le 1280x720 pixels, avec un rendu plus fin, des icônes lisibles et une meilleure gestion des couleurs. La luminosité augmente, les contrastes s'améliorent, et la lisibilité en plein jour devient enfin acceptable.


Les processeurs embarqués évoluent également. Les interfaces gagnent en fluidité, les temps de latence diminuent, les animations deviennent possibles. On peut enfin faire défiler une carte GPS sans avoir l'impression de manipuler un ordinateur sous Windows 95. Les systèmes restent parfois perfectibles, mais ils cessent d'être frustrants en permanence.
C'est aussi à cette période que le tactile capacitif commence à s'imposer sérieusement. Il reste encore parfois critiqué, notamment pour son usage en roulant, mais il apporte une logique d'interaction beaucoup plus directe que les molettes et boutons des générations précédentes. Certains constructeurs conservent des interfaces hybrides, combinant tactile, molette et touches physiques, cherchant encore le bon équilibre.


Fonctionnellement, l'écran change de statut. Il ne sert plus uniquement à la navigation. Il devient le centre de gestion du véhicule. Réglages des aides à la conduite, paramétrage du mode de conduite, affichage des flux énergétiques sur les hybrides et électriques, gestion du téléphone, du multimédia, parfois même de la climatisation. L'écran commence à absorber des fonctions jusque-là réparties sur des dizaines de boutons.
Un événement majeur va accélérer cette acceptation : l'arrivée de Apple CarPlay en 2014, rapidement suivi par Android Auto. Ce point est décisif. Pour la première fois, l'écran de la voiture adopte une logique déjà maîtrisée par des millions d'utilisateurs. Navigation fluide, icônes familières, interactions cohérentes. L'écran cesse d'être une interface exotique. Il devient une extension naturelle du smartphone.

Malgré tout, ce n'est pas encore parfait. Les écrans du milieu des années 2010 restent parfois contraints par leur architecture logicielle. Les interfaces propriétaires sont encore rigides, peu personnalisables, et les mises à jour sont rares ou inexistantes. Les bugs sont nombreux, jusqu'à nuire à la réputation de fiabilité : R-Link par exemple. La disposition des menus est souvent figée, et certaines fonctions restent inutilement enfouies.
On atteint donc à cette époque une forme de maturité fonctionnelle, mais pas encore une maturité conceptuelle complète. L'écran est devenu indispensable, mais il n'est pas encore pleinement assumé comme une interface logicielle évolutive. Il reste souvent pensé comme un produit fini, alors qu'il aurait vocation à évoluer dans le temps. Notez que cette génération est désormais compromise par la disparition des réseaux 2G et 3G ...
Cette période joue donc un rôle charnière. Elle fait accepter l'écran comme interface centrale, tout en révélant ses limites. Elle prépare le terrain de ce qui viendra ensuite : des écrans plus grands, plus intégrés, plus personnalisables, et surtout capables d'évoluer par mises à jour régulières (OTA over the air). On n'est plus dans l'expérimentation. On est dans la consolidation.

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En 2018, Mercedes répand ce type d'affichage à toute la gamme
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Aujourd'hui, l'écran n'est plus un équipement parmi d'autres. Il est devenu un organe central de la voiture moderne, au même titre que le volant ou les pédales. On ne parle plus d'un simple support d'affichage ou d'un outil multimédia, mais bien du centre de contrôle de l'ensemble des fonctions du véhicule. L'ergonomie automobile est désormais pensée autour de l'interface numérique, et non plus l'inverse. Ca perturbe au début, mais on finit vite par voir que c'est finalement la seule manière de bien faire ...


Ce basculement s'est fait progressivement, mais il est désormais assumé. Pour la première fois dans l'histoire de l'automobile, l'interface numérique fusionne réellement avec la voiture elle-même. Réglages du châssis, aides à la conduite, paramétrage de la motorisation, gestion énergétique, confort, sécurité, navigation, multimédia. Tout converge vers l'écran. La disparition progressive des boutons physiques n'est pas un effet de mode, c'est une conséquence directe de la complexité fonctionnelle des véhicules actuels. Il y a tout simplement trop de fonctions pour imaginer une interface figée, matérialisée par des dizaines de commandes physiques.

Aujourd’hui, les interfaces numériques sont devenues de véritables plateformes multimédia, parfois très proches de ce que l’on trouve sur un ordinateur ou une tablette. En plus du guidage, elles gèrent l’ensemble du multimédia, la téléphonie, la messagerie, les applications connectées, et offrent un accès direct à Internet via la connexion embarquée. Certaines permettent de consulter le web, d’accéder à des services de streaming vidéo à l’arrêt, d’écouter des podcasts, de regarder des plateformes de VOD ou même de jouer à des jeux vidéo plus ou moins élaborés. Sur certains modèles, l’interface intègre aussi des fonctions avancées liées à l’énergie, à la planification des trajets, à l’optimisation de la recharge, à la visualisation en temps réel de l’environnement du véhicule via les capteurs, ou encore à la surveillance à distance de la voiture depuis un smartphone. L’écran n’est plus seulement un outil d’aide à la conduite, c’est un espace numérique à part entière, capable de divertir, d’informer et d’interagir avec l’utilisateur, parfois même quand la voiture ne roule pas. Cette explosion fonctionnelle explique aussi pourquoi les interfaces modernes n’ont plus rien à voir avec celles des années 2000. On ne parle plus d’un simple écran d’information, mais d’un système complexe, connecté, évolutif, qui dépasse largement le cadre de la voiture.

Dans cette évolution, Tesla a clairement joué un rôle d'accélérateur. Pas nécessairement parce que ses solutions étaient parfaites dès le départ, mais parce que la marque a pris un risque que les autres n'osaient pas prendre. Centraliser presque toute l'ergonomie sur un écran unique, sans filet, sans plan B visible. C'était audacieux, presque brutal. Mais le retour des utilisateurs a été globalement positif, et surtout très instructif pour l'industrie. Une fois le cobaye passé en premier et revenu vivant, la concurrence a compris que ce type d'ergonomie pouvait être accepté, voire apprécié. Les autres constructeurs ont suivi, chacun à leur rythme, avec plus ou moins de retenue.

Ce qui change fondamentalement aujourd'hui, c'est que l'écran n'est plus pensé comme un produit figé. Il est pensé comme une interface logicielle évolutive. Les mises à jour ne servent plus uniquement à corriger des bugs mineurs ou à ajouter une fonction gadget. Elles deviennent indispensables. La multiplication des fonctions, mais aussi les enjeux de cybersécurité, rendent les mises à jour correctives incontournables. Une voiture moderne est connectée, exposée, et donc potentiellement vulnérable. Sans interface logicielle évolutive, il devient impossible de garantir un niveau de sécurité satisfaisant dans le temps.
C'est aussi pour cette raison que certains constructeurs ont fait le choix de confier leur interface à des spécialistes du logiciel. L'arrivée d'Android Automotive chez plusieurs marques marque une rupture importante. Pour la première fois, l'interface n'est plus seulement inspirée du monde du numérique, elle en est directement issue. En s'appuyant sur Google, certains constructeurs reconnaissent implicitement que concevoir une interface logicielle moderne est un métier à part entière, très éloigné du coeur historique de l'ingénierie automobile. C'est souvent plus efficace, plus fiable et plus rentable que de tout développer en interne.
D'autres marques, en revanche, persistent à vouloir tout maîtriser. Mercedes-Benz en est un bon exemple, avec une volonté affirmée de développer ses propres interfaces, soutenue par une envergure financière et technique considérable. Cette stratégie peut fonctionner, mais elle est à double tranchant. Le logiciel est un domaine mouvant, exigeant, où les cycles d'innovation sont beaucoup plus rapides que dans l'automobile traditionnelle. Le risque de retard ou d'erreurs est réel, même pour les plus grands.
Le cas de Tesla est à part. La marque insiste sur le développement interne de ses interfaces, mais elle n'est pas seulement un constructeur automobile. C'est aussi une entreprise de technologie, avec une culture logicielle profondément ancrée, ce qui la distingue de la majorité de ses concurrents. Ce modèle est difficilement transposable tel quel à l'ensemble de l'industrie.
Dans le même temps, le nombre d'écrans s'est lui aussi multiplié. L'écran central n'est plus seul. Beaucoup de voitures proposent désormais un écran dédié au passager avant, encore souvent en option, notamment chez les constructeurs allemands. Cet écran permet au passager de gérer la navigation, le multimédia ou certaines fonctions sans interférer avec le conducteur, ce qui renforce l'idée d'un habitacle pensé comme un espace numérique partagé, et non plus uniquement centré sur la conduite.

A l'arrière, la tendance est la même. Des écrans apparaissent pour les passagers du deuxième rang, d'abord orientés vers le divertissement, puis de plus en plus vers l'interaction avec le véhicule. Cette évolution prend tout son sens dans la perspective des futurs usages. Sur certaines voitures déjà pensées pour une conduite autonome avancée, ces interfaces arrière pourront devenir le principal point de contact entre le véhicule et ses occupants. Dans le cas de véhicules transformés en taxi robot, l'utilisateur montera à l'arrière et interagira directement avec la voiture via cet écran secondaire, pour définir une destination, gérer le trajet, ou accéder à des services. L'interface ne sera plus un outil de conduite, mais un outil d'usage.

Cette multiplication des écrans montre bien que l'interface numérique ne se limite plus au poste de conduite. Elle s'étend à l'ensemble de l'habitacle, accompagnant la transformation progressive de la voiture, d'objet purement piloté vers un espace mobile, connecté et interactif.
Ce qui est certain, en revanche, c'est que le retour en arrière est désormais impossible. Les boutons physiques appartiennent progressivement au passé, non par mépris, mais par obsolescence fonctionnelle. L'écran s'est imposé parce qu'il est le seul support capable d'absorber la complexité croissante de la voiture moderne, d'évoluer dans le temps, et de répondre aux enjeux techniques et sécuritaires actuels. L'interface numérique n'est plus un choix. Elle est devenue une nécessité structurelle.
L'histoire des interfaces numériques par écran dans l'automobile montre une chose très claire. L'écran n'est pas une mode récente. C'est une idée ancienne, longtemps mal exécutée, souvent arrivée trop tôt. Ce n'est que lorsque la technologie, l'ergonomie et les usages se sont alignés que l'écran est devenu pertinent.
Les écrans des années 80 et 90 ont souvent mal vieilli parce qu'ils n'étaient ni indispensables, ni évolutifs. Les écrans modernes, eux, sont devenus structurels parce qu'ils acceptent la complexité, la personnalisation et le changement. L'automobile n'a pas choisi l'écran par caprice. Elle y est arrivée par nécessité.
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