Du bonus au malus : évolution depuis 2008

Dernière modification : 16/10/2025 -  4


Quand le bonus écologique a été lancé en 2008, le ton était vertueux : on voulait encourager pas punir. L'idée semblait simple : récompenser les acheteurs de voitures sobres sans accabler les autres. Un geste d'accompagnement, presque bienveillant. Mais comme souvent, ce qui débute avec le sourire finit par se transformer en levier fiscal. Le malus, d'abord réservé aux gros émetteurs, a peu à peu gagné du terrain pendant que le bonus s'effaçait, jusqu’à ne plus peser grand-chose. L’histoire était écrite d’avance, il faut bien l’avouer.

L’évolution rappelle la fameuse image de la grenouille. On la plonge dans l’eau froide qu’on chauffe doucement : elle s’habitue, reste calme, et ne sent pas venir le moment où il est trop tard. Si on la jetait directement dans l’eau bouillante, elle s’enfuirait aussitôt. Le bonus, c’était l’eau tiède ; le malus, c’est l’ébullition fiscale. Le feu a monté lentement, et personne n’a vraiment bougé.

Quand le bonus récompensait ce que le malus punit aujourd'hui

À ses débuts, le dispositif fonctionnait à l’envers de ce qu’il est devenu, à savoir un dispositif qui cherchait plus à récompenser qu'à punir. En 2009, un véhicule à moins de 130 g/km de CO? touchait un bonus de 200 €. Sous 120 g/km, c’était 700 €. Et sous 100 g/km, on montait à 1 000 €. Autrement dit, une voiture à 125 g/km était félicitée. Aujourd’hui, elle est sanctionnée. Ce qui était récompensé hier est désormais pointé du doigt.

On n’est plus dans l’incitation, mais dans la collecte. Le bonus-malus n’est plus un outil de transition, c’est un impôt habillé de vert. Le principe d’équilibre a disparu, remplacé par un système qui taxe presque tout ce qui roule encore au carburant.

CO2 (g/km) Bonus / Malus 2008
< 60 +5 000 €
61 – 100 +1 000 €
101 – 120 +700 €
121 – 130 +200 €
131 – 140 0 €
141 – 160 0 €
161 – 165 −200 €
166 – 200 −750 €
201 – 250 −1 600 €
> 250 −2 600 €

A lire : la barème 2025 des malus mis à jour

Evolution

Le bonus-malus écologique est apparu en 2008, présenté comme une incitation douce à consommer plus propre. Dès l'origine, un malus existait déjà: il touchait les véhicules au-delà de 160 g/km de CO?, avec un plafond de 2 600 €. Le plafond évolue ensuite: 3 600 € en 2012, 6 300 € en 2013. En 2018, il atteint 10 500 €, franchit les 20 000 € en 2020, puis monte à 50 000 € en 2023, avant de culminer à 70 000 € pour les versions extrêmes du barème 2025. Pour 2026 il est question d'un plafond de 80 000 €, ce qui souligne à quel point le malus maximal est devenu une barrière infranchissable même pour des voitures très haut de gamme.

Des modèles modestes désormais pénalisés

La dérive se mesure sur des voitures sans prétention, celles qu’on croise partout et qui, ailleurs, passeraient pour sous-motorisées. Les chiffres ci-dessous concernent les versions de base, les plus légères. Ajoutez quelques options, un toit ouvrant ou des pneus larges, et le grammage grimpe encore.

  • Renault Captur 1.0 Eco-G 100 ch : 137 g/km
  • Renault Captur TCe 115 ch : 130 g/km
  • Peugeot 3008 Hybrid 145 e-DCS6 : 120 g/km
  • Volkswagen T-Roc 1.5 TSI 116 ch : 126 g/km
  • Volkswagen Tiguan 1.5 eTSI MHEV 150 ch : 136 g/km

Paradoxe amusant : un petit moteur peut consommer plus qu’un bloc un peu plus puissant mais plus libéré. D’ailleurs, reprogrammer son moteur améliore parfois la sobriété (exemple ici entre les Captur 100 et 115 ch), preuve que la logique de puissance ne se résume pas à la taille du moteur.

Le passage du NEDC au WLTP a gonflé les valeurs

Un autre facteur a aggravé la note : le passage du cycle NEDC à la norme WLTP en 2018. Plus longue, plus réaliste, plus exigeante, elle mesure mieux les accélérations et les vitesses. Résultat : les émissions affichées ont bondi de 15 à 25 % pour la même voiture, sans qu’elle n’ait changé d’un gramme. Ce simple recalibrage a suffi à faire tomber des dizaines de modèles dans la zone du malus. En pratique, c’est un coup fiscal déguisé en progrès méthodologique, et beaucoup d’automobilistes l’ont ressenti comme une injustice silencieuse.

Pourquoi le grammage grimpe si facilement

Le moindre détail compte : jantes plus larges, boîte auto, pneus à forte adhérence, toit panoramique, barres de toit… tout pèse. Et quand le seuil est bas, quelques grammes font la différence. Un pack esthétique ou un accessoire mal choisi peuvent suffire à déclencher un malus. Ce n’est pas une exception, c’est devenu la règle du jeu.

Le signal-prix s'est brouillé

Le bonus envoyait un signal clair : descendez vos émissions, vous serez récompensé. Le malus, lui, brouille tout. Il sanctionne tout ce qui n’entre pas dans la case “citadine légère”. Résultat : des familles se rabattent sur des voitures trop petites pour elles, par peur de la taxe. À la clé, moins de confort, parfois moins de sécurité, et une usure plus rapide. L’outil censé orienter finit par contraindre sans discernement.

Effets collatéraux qu'on évite de nommer

Report d’achat et vieillissement du parc. Beaucoup repoussent le remplacement de leur voiture pour éviter la surtaxe. Le parc vieillit, les émissions globales stagnent, et l’effet environnemental réel s’effondre.

Distorsion sociale. Les ménages modestes se rabattent sur des voitures plus petites ou sur de vieilles occasions. Ceux qui ont les moyens, eux, trouvent toujours une faille : options mieux calibrées, imports, déductions, ou véhicules de démonstration.

Marché d’occasion faussé. Le malus payé à l’achat gonfle le prix des occasions récentes. En parallèle, la demande sur les vieux modèles augmente, ce qui fait grimper leurs cotes. On garde les vieilles autos plus longtemps, donc on pollue plus longtemps.

Incohérences d’usage. Certaines hybrides rechargeables, capables de rouler des semaines sans consommer d’essence, se retrouvent malgré tout taxées via le malus au poids. C’est à croire qu’aucune issue n’a été pensée.

Le virage politique : de l’incitation à la discipline

Au départ, on avait vendu un bonus. Avec le temps, c’est devenu une punition. Le système s’est retourné sans jamais l’admettre. Aujourd’hui, l’État ne publie plus que le barème du malus : le bonus n’existe presque plus, ni dans les chiffres, ni dans les esprits. Le message est clair : on ne félicite plus, on corrige. Et si l’hypocrisie de départ tenait à une ruse politique, il faut reconnaître qu’elle a bien fonctionné.

Ce que mesurerait une écologie cohérente

Une approche plus logique prendrait en compte l’usage réel : kilomètres parcourus, carburant effectivement consommé, charge électrique utilisée pour les hybrides rechargeables, résistance au roulement des pneus, etc. Ce n’est pas d’ajouter des contraintes ; c’est de mieux cibler la réalité. Aujourd’hui, on taxe une fiche technique, pas un comportement.

Un mal pour un bien ?

Ce durcissement finit malgré tout par avoir un effet utile : il pousse les gens à regarder l’électrique autrement. Pas comme un gadget ou un luxe, mais comme une option rationnelle. Et c’est plutôt une bonne chose. L’électrique a des atouts indéniables : meilleur rendement, entretien quasi nul, couple immédiat, silence, sobriété au quotidien. Le rejet qu’elle suscite tient souvent plus du réflexe culturel que de la logique. Beaucoup restent attachés au moteur thermique pour des raisons affectives, comme si y renoncer revenait à abandonner un symbole. Peut-être que le malus, aussi brutal soit-il, aidera à casser cette inertie mieux que des années de discours écologiques. Il accélérera la réflexion, même si les questions de pouvoir d’achat freinent encore la bascule.

Conclusion : de l'eau tiède à l'ébullition

Le bonus a servi d’amorce, le malus a pris la relève, et c’est désormais la règle. La frontière s’est déplacée au point de toucher des modèles banals, parfois très modestes. Le dispositif a changé la structure du marché et les choix des ménages, mais pas forcément les émissions réelles. L’objectif écologique reste défendable, mais l’outil manque de cohérence. À force de vouloir corriger par la contrainte, on finit par décourager. Et c’est souvent ce qui arrive quand la politique fiscale prétend remplacer le bon sens.


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