Quand deux voitures arrivent en sens inverse à 100 km/h chacune et se percutent de plein fouet, l’image qui s’impose est souvent radicale : un choc équivalent à 200 km/h, comme si les vitesses étaient à additionner.
Mais cette vision simpliste mérite d’être sérieusement remise en question.
En réalité, la physique nous réserve quelques surprises… et les voitures aussi. Entre idées reçues et lois mécaniques, on va voir que les choses ne sont pas aussi dramatiques qu’on pourrait le croire.
Le premier piège, c’est de croire que les vitesses s’additionnent. Deux voitures qui roulent chacune à 100 km/h en sens inverse n’engendrent pas un choc à 200 km/h. La vitesse relative est bien de 200 km/h, mais ça ne veut pas dire que chaque voiture encaisse un choc de cette intensité.
En réalité, chaque voiture subit un choc contre un mur équivalent à 100 km/h, à condition que les deux véhicules aient une masse équivalente. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas la somme des vitesses qui compte, mais l’énergie cinétique que chaque voiture transporte, et qui doit être dissipée au moment du choc.
La formule à retenir, c’est :
E = ½ × m × v²
A savoir que c’est le carré de la vitesse qui entre en jeu, et cette énergie est propre à chaque voiture. Lors d’un face-à-face symétrique, chaque véhicule encaisse l’énergie qu’il avait accumulée avec sa propre masse et sa propre vitesse. Il n’y a pas d’amplification magique. Ce n’est pas parce que les voitures se croisent à 200 km/h que chacune encaisse ça. Chacune encaisse son propre 100 km/h.
Il y a aussi un autre point à ne pas négliger : les structures modernes des voitures sont conçues pour encaisser intelligemment les chocs. À l’avant, on trouve ce qu’on appelle des zones à déformation programmée, autrement dit des parties du châssis qui se tordent volontairement pour absorber l’énergie du choc.
Dans une collision frontale entre deux véhicules, on ne tape pas sur du béton, on compresse deux ressorts l’un contre l’autre. Et c’est tant mieux : chaque museau absorbe une partie de l’impact, ce qui permet de réduire les pics de décélération transmis aux occupants. C’est en quelque sorte un amorti bilatéral. Résultat : dans certains cas, un choc contre une autre voiture est moins brutal qu’un choc contre un mur fixe, qui ne renvoie rien, ne se déforme pas, et concentre toute l’énergie sur la même cellule.
L’objectif des zones à déformation programmée est simple : allonger le temps pendant lequel le véhicule passe de sa vitesse initiale à l’arrêt complet, afin de réduire la décélération subie par les occupants. Et c’est là que tout se joue en termes de blessures.
Imaginons un choc frontal contre un mur, sans déformation de la structure (comme si la voiture était un bloc rigide). Si la voiture s’arrête en 5 centimètres, le temps de ralentissement est extrêmement court : de l’ordre de 30 à 50 millisecondes. La décélération moyenne est alors très violente, souvent supérieure à 100 g, soit 100 fois le poids du corps. Autrement dit, blessures garanties, même avec une ceinture.
A lire : quelle décélération maximale / choc peut subir un corps humain ?
Sur les voitures modernes, la structure avant est conçue pour absorber l’énergie sur une longueur de 50 à 80 cm, parfois même plus. Résultat : le temps d’arrêt passe à 100 voire 150 millisecondes, ce qui permet de réduire considérablement la décélération. On tombe alors sur des valeurs moyennes de l’ordre de :
Pour comparaison : une chute libre verticale d’un mètre donne une décélération d’environ 3 g. À partir de 50 g soutenus, les lésions internes commencent à devenir sérieuses, surtout si elles durent plus de 100 ms.
On peut utiliser la formule suivante pour estimer la décélération moyenne :
a = v² / (2 × d)
où :
Exemple à 64 km/h (17.8 m/s) avec une zone qui se déforme sur 0.7 m :
a = (17.8)² / (2 × 0.7) ≈ 226 m/s² → soit environ 23 g
Ce chiffre est très proche de ce que mesurent les capteurs des mannequins lors de tests Euro NCAP.
Là, on sort du cas idéal. Le raisonnement précédent tient uniquement si les deux voitures ont une masse équivalente. Mais si l’une est beaucoup plus lourde que l’autre (typiquement un SUV contre une petite citadine) le choc devient profondément asymétrique.
Prenons un exemple concret : une citadine de 1 000 kg percute de face un SUV de 2 000 kg, les deux à 100 km/h.
Vu que la masse du SUV est le double de celle de la citadine, il absorbera beaucoup mieux le choc. Sur le plan de la physique, on peut utiliser les lois de la conservation de la quantité de mouvement et de l’énergie pour estimer l’équivalent ressenti par chaque véhicule, comme si chacun avait percuté un mur fixe.
Résultat :
Autrement dit, la petite voiture encaisse deux fois plus que ce qu’on imagine tandis que le SUV s’en sort beaucoup mieux.
Et au-delà de la physique brute, il faut aussi tenir compte de la structure. Le SUV a un bouclier plus haut et plus rigide, ce qui a tendance à écraser la cellule de la citadine en dessous, qui n’est souvent pas conçue pour encaisser un choc à cette hauteur. C’est une des raisons pour lesquelles les crash-tests prennent en compte la compatibilité des structures entre véhicules (ce qu’on appelle la compatibilité inter-véhicules).
Pour comprendre pourquoi les véhicules plus lourds sont globalement plus sûrs en cas de choc contre une autre voiture, je vous invite à lire cet article dédié au rôle de la masse dans la sécurité passive.
Non, un face-à-face entre deux voitures à 100 km/h chacune n’est pas équivalent à un choc à 200 km/h. Chaque voiture encaisse sa propre énergie, comme si elle avait percuté un mur. Et grâce aux zones de déformation à l’avant, le choc est même un peu mieux réparti qu’en percutant un obstacle rigide.
Mais attention : tout cela suppose que les deux véhicules soient équivalents. Dans le cas contraire, celui qui est le plus lourd impose sa loi, et le choc devient beaucoup plus sévère pour le plus léger.
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