Les nuages noirs s'accumulent dans le ciel de l'automobile ce début de décennie ... Avec des ventes qui chutent et des pénuries qui deviennent sérieuses, le commerce de la voiture est très loin de sa forme habituelle. Le temps est donc venu de faire un point sur les chiffres mais aussi les causes précises qui ont mené à ce phénomène marqué.
Avant toute analyse observons rapidement le contexte, à savoir l'évolution des ventes automobiles en France. L'année 2021 se distingue clairement de toutes les précédentes dans le fait que les ventes mensuelles sont de 20 à 25% inférieures qu'à l'habitude. Seuls les trois mois de mars, avril et mai 2020 avaient été aussi médiocres (même pires) en raison des tous premiers confinements liés au Covid-19. L'économie s'était logiquement paralysée en raison de la stupeur liée à ce contexte inédit.
La suite aura été bien plus positive puisque les ventes avaient repris de plus belle, avec des chiffres très honorables qui s'expliquent par les reports d'achat des mois de confinement mais aussi par le fait que beaucoup de gens ont voulu abandonner les transports en commun pour passer à quelque chose de plus individuel : la voiture.
Voici donc deux graphiques (source AAA Data/CCFA) qui permettent de mettre en perspective les données à assimiler. Nous sommes donc reparti pour une année de vente record, mais un record à la baisse ... A savoir environ 1.7 à 1.8 millions de ventes en neuf contre 2 à 2.2 millions les années habituelles.
Les 10 premiers mois de 2019 (année "normale" qui me semble plus cohérente pour faire des comparaisons, 2020 étant atypique) et 2021 (l'année en cours, au cas où vous auriez oublié ...)
A lire aussi : Chiffres des ventes de voitures neuves par année
Les causes qui expliquent la baisse des ventes sont multiples, et pour ainsi dire il y a trois principales variables qui viennent l'expliquer. Car malgré que les Français aient accumulé une épargne record, les ventes ne suivent pas ...
En prévision des baisses de ventes liées au Covid-19 (juste après le premier confinement), les marques ont revu à la baisse leurs commandes futures (des mois à venir) concernant les semi-conducteurs (matériaux qui ne sont ni conducteur ni isolants) et donc les composants électroniques (en ce qui concerne le reste des matières première pas de souci de pénuries même si le prix a cru un peu partout). Pour combler cette baisse, les fournisseurs ont donc cherché de nouveaux clients pour écouler ces derniers, chose qui n'a pas été difficile dans ce monde qui se dématérialise de plus en plus et où le télétravail explose. Ce sont donc d'autres secteurs qui ont repris le relais en s'octroyant la majorité des semi-conducteurs fabriqués.
Le souci a toutefois été que les ventes automobiles se sont bien mieux portées que prévu post-confinement, avec des stocks qui se sont bien écoulés.
Les marques ont donc revu à la hausse un peu en catastrophe la demande en semi-conducteurs, mais il était déjà trop tard .. Ces derniers ont en effet annoncé que leurs carnets de commandes étaient déjà pleins pour les mois à venir. Voila pourquoi l'automobile a été particulièrement touchée par cette pénurie, qui a donc davantage été ressentie sur ce marché que sur certains autres (qui s'agrippent à leurs commandes sachant la difficulté qu'il pourra y avoir derrière).
En conséquence, les marques ont de grosses difficultés à pouvoir proposer des modèles totalement terminés ... C'est à dire que des organes manquent purement et simplement dans beaucoup d'autos qui sortent d'usine !
Pour ma part j'ai entendu plusieurs sons de cloches dans les concessions. Chez certains on livre l'auto avec des équipements manquants et on retranche du prix la valeur de cette dernière (chez une marque premium que je ne citerai pas). Chez d'autres les délais explosent, car même si l'auto est terminée à 98% il faut attendre la disponibilité des tous derniers organes pour pouvoir livrer.
Les choses deviennent si chaotiques que j'ai même entendu dire que des voitures arrivaient des usines en panne ! A savoir que les concessions se retrouvent avec des voitures inlivrables sur les bras ...
J'appuierai donc ici sur le fait que les concessions souffrent particulièrement en ce moment, car elles font tampon entre le client et la marque (ce ne sont que des distributeurs tributaires des enseignes). Un peu comme quand il y a des voitures pleines de vices cachés (dont la concession ne peut rien, elle ne conçoit ni ne fabrique les voitures), ce sont les concessionnaires qui se font parfois importuner en raison du mécontentement des clients.
Bref, les délais explosant, les livraisons sont reportées et cela nuit en toute logique aux chiffres de ventes qui sont remises à plus tard.
L'autre conséquence de ces délais pharaonique est que les clients potentiels hésitent et même annulent temporairement leur achat. Il est en effet plus tentant d'acheter quand on vous promet l'auto dans un mois plutôt que 8 mois, sachant en plus que ce délais ne peut être certifié à 100% ...
Avec la transition technologique des automobiles, qui s'oriente vers son électrification, les gens sont tout simplement perdus et ne savent plus quoi acheter.
Et cela n'est pas lié à un déficit de leur part, l'avenir est encore incertain et on ne sait pas ce que seront les choses dans 5 ans. Ne voulant pas trop perdre en cote et voulant aussi pouvoir revendre facilement leur voiture, ils préfèrent laisser le temps passer pour y voir plus clair. Cela freine donc les ventes côté neuf.
La chute des ventes s'incarne donc par l'association d'une baisse concomitante de la demande et de l'offre. Ce n'est donc pas unilatéral comme on est plutôt habitué dans les crises plus "classiques". Mais il faut dire que l'évènement exceptionnel du Covid se cumule à un autre évènement tout aussi exceptionnel qu'est celui de la transition technologique des voitures (vers l'électrique et l'hybride). Un drôle de hasard que certains trouveront un peu louche. Car si les états voulaient organiser une réduction massive de la consommation mondiale de voitures pour préserver les ressources fossiles et réduire les émissions de CO2, ils ne pourraient pas s'y prendre mieux.
Vous n'avez pas pu y échapper, la conséquence principale est un marché de l'occasion qui est en excellente forme, avec des cotes qui ne font que grimper jours après jours ... Aux USA, qui semblent avoir un peu d'avance, l'occasion a augmenté dans des proportions vertigineuses, à savoir plus de 20% de hausse sur les prix des voitures !
En effet, l'occasion est un marché sans délais ni pénurie. Enfin pour le moment, tant que l'offre et la demande s'équilibrent, ce qui ne peut pas durer indéfiniment : il faut du neuf pour abreuver l'occasion.
A lire : chiffres comparatifs des ventes occasion / neuf
Enfin, l'autre conséquence est une épargne qui grossit de plus en plus, car l'occasion pèse moins sur le budget et certains acheteurs préfèrent attendre plutôt que d'acheter d'occasion tout de suite.
Mais attention, trop d'épargne sur les livrets pourraient tenter les états de les vider ... Car en cette période de dette exponentielle, de taux négatifs et d'impression monétaire, certains préviennent que les moutons risquent de se faire tondre bientôt. Si cela paraît impensable, l'histoire a montré à mainte reprise que l'exceptionnel était finalement un phénomène qui revenait régulièrement, les crises et les guerres passées ne doivent pas être oubliées.
Bien entendu, d'autres voient la chose d'un oeil plus positif, à savoir qu'il y aura dans un avenir proche une explosion des ventes de voitures neuves, quand les nuages seront passés et que les épargnants déchargeront leurs comptes dans les concessions pour rattraper le temps perdu.
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Dernier commentaire posté :
Par Louis Renault (Date : 2022-04-14 02:09:53)
Si seulement cette crise pouvait en finir avec les voitures françaises faites en Chine ou en Turquie. La globalisation agonise. Et surtout l'augmentation des voitures au normes ecolo évincent la majorité des acheteurs du neuf.
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